Thierry Gaudin, ingénieur (Polytechnique / Mines) et docteur en sciences de l’information et de la communication, est l’un des principaux créateurs et animateurs de l’association Prospective 2100. Il revient pour nous sur la récente mutation de cette association en Fondation 2100 désormais abritée par la Fondation Paris Tech.
La prospective est plus que nécessaire, elle est indispensable. Tout être raisonnable prend ses décisions en fonction de l’idée qu’il se fait de l’avenir ou des avenirs possibles. La prospective n’est pas une science ni une discipline littéraire ; c’est sans doute pour cela qu’elle ne fait pas partie du vocabulaire universitaire. C’est une, ou plutôt ce sont des méthodes de travail qui visent, non à prédire, mais à réduire l’incertitude
Votre association est au service de la prospective mondiale depuis 1991, quel bilan tirez-vous de cet engagement ?
Nous avons commencé à travailler dès 1991, en effet, comme suite à la parution du livre 2100, récit du prochain siècle, qui est maintenant en libre téléchargement grâce à l’INIST du CNRS . Ce livre décrit une trajectoire si proche de ce qui s’est passé que l’université catholique de Lille a demandé que nous participions les 13 et 14 mars prochains au lancement de son activité de prospective.
L’association s’est constituée seulement en 1996, après un grand colloque “cités marines” qui s’est tenu à Monaco en 1995. Puis, en 1998, elle a organisé à Chambéry, grâce à l’appui de Michel Barnier, le premier colloque intitulé “jardin planétaire” auquel participait Gilles Clément et de nombreux universitaires et chercheurs de l’agronomie. Nous avions choisi cette expression “jardin planétaire” en considérant que le concept de développement durable est un oxymore, un compromis entre les avocats du développement et les défenseurs de la durabilité. Or, un oxymore exprime une contradiction, mais il ne donne pas de motivation. Depuis, l’idée de jardin planétaire a fait son chemin, les constructions de cités marines aussi, particulièrement dans le golfe. Pendant les années 2000, nous avons surtout organisé des conférences et des séminaires d’une semaine à Cerisy ; la plupart des conférences sur Paris sont en vidéo sur notre site. Les colloques de Cerise ont aussi fait l’objet de publications papier.
En quoi la « prospective » est une discipline nécessaire aujourd’hui ?
La prospective est plus que nécessaire, elle est indispensable. Tout être raisonnable prend ses décisions en fonction de l’idée qu’il se fait de l’avenir ou des avenirs possibles. La prospective n’est pas une science ni une discipline littéraire ; c’est sans doute pour cela qu’elle ne fait pas partie du vocabulaire universitaire. C’est une, ou plutôt ce sont des méthodes de travail qui visent, non à prédire, mais à réduire l’incertitude.
La prospective sert aussi à proposer des visions d’avenir, soit pour alerter des dangers, soit pour encourager vers des projets constructifs. C’est l’exemple du film “demain“, dont le succès montre bien la demande du public pour des visions d’avenir accessibles par les citoyens. Je crois que, malgré l’inertie actuelle des médias, nous allons entrer dans une époque où la prospective sera beaucoup plus répandue.
Votre association est devenue une Fondation. Quelles sont les raisons de cette évolution ?
La Fondation 2100 était prévue dès la constitution de l’association ; elle est dans ses statuts. Mais la création de cette fondation ne suppose pas la disparition de l’association, qui va continuer ses activités, comme vous pouvez le voir sur notre site http://2100.org.
Cette fondation 2100 a été crée en décembre 2016 ; elle est hébergée par la Fondation Paristech. Son rôle sera de financer, avec des moyens en provenance des entreprises, des thèses de prospective et, si possible aussi des chaires de prospective.
De notre point de vue, toutes les universités et toutes les écoles d’ingénieur ou de gestion devraient délivrer des enseignements de prospective et développer une activité de recherche dans ce domaine. Nous sommes un pays bien trop tourné vers le passé
Par rapport aux pays scandinaves, à l’Angleterre, aux États Unis, nous avons très peu d’enseignements et de recherche en prospective. Sans doute, il y a la chaire du CNAM animée par Philippe Durance, et les enseignements de Fabienne Goux Baudiment à Angers ; il y a aussi l’activité de l’association Futuribles qui délivre des enseignements. De notre point de vue, toutes les universités et toutes les écoles d’ingénieur ou de gestion devraient délivrer des enseignements de prospective et développer une activité de recherche dans ce domaine. Nous sommes un pays bien trop tourné vers le passé.
La Fondation a aussi un rôle de proposition, qui fait suite aux deux colloques “cités marines” et “jardin planétaire” : c’est de contribuer à la cristallisation des grands programmes d’investissement mondiaux. Nous constatons que le 21ème siècle, commencé par des guerres au proche orient puis des vagues de migrations dues aux conflits ou aux sécheresses, dans lequel la conservation du patrimoine naturel (les forêts tropicales humides, les récifs coralliens, la faune marine en général) n’est pas assurée a besoin d’un programme d’aménagement du territoire à l’échelle mondiale qu’un solide travail de prospective devrait pouvoir expliciter.
Pour faire ce travail, une association ne suffit pas, mais une fondation, si elle en a les moyens, peut le faire accoucher. Parmi les trois fondateurs se trouve Dominique Lacroix, une spécialiste de cyber stratégie et Jean-Éric Aubert qui a parcouru une trentaine de pays pour le compte de l’OCDE et de la Banque Mondiale, avec pour mission de les aider à construire une politique d’innovation.
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