En novembre dernier était publié un rapport majeur du Cereq, intitulé « La prise en compte des mutations induites par la transition écologique dans les formations professionnelles initiales », réalisé à la demande du Ministère de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie . Quasiment au même moment, le consortium Syndex-Fondaterra, remettait à la Région Ile de France l’étude « Evolution Compétences Emplois Climat » . Pourquoi soudainement une telle effervescence autour des métiers, compétences et formations de la transition vers le développement durable, alors que depuis les travaux de 2010 du Plan National de mobilisation pour les emplois et les métiers dans l’économie verte, plus aucune avancée n’avait été opérée ?
La réponse qui vient immédiatement à l’esprit est que cette transition s’accompagne de millions d’emplois. Si l’on en croit l’Organisation Internationale du Travail (2012), la transition vers le développement durable est susceptible (et ceci, quelle que soit sa caractérisation) de créer, au cours des prochaines années, plus de 60 millions d’emplois au niveau international. L’Union Européenne (2014) parle de 20 millions nouveaux emplois pour l’Europe d’ici 2030.
La raison est que tous les secteurs économiques, y compris ceux des services, sont interpellés progressivement par la transition engagée vers le développement durable: les systèmes énergétiques, les modes de production et de construction, la mobilité, la conception et la gestion des bâtiments, des villes et des territoires ou encore la gestion des déchets et de l’eau ainsi que l’agriculture... Non seulement les entreprises, mais également les collectivités territoriales, les institutions nationales, européennes et internationales, ou encore les banques et les assurances recherchent des experts, des cadres, des dirigeants, des techniciens, des vendeurs capables d’anticiper, de s’adapter et d’évoluer au fil de la transition vers le développement durable.
Il ne s’agit donc pas d’un secteur particulier comme on l‘a laissé sous entendre pendant longtemps, au travers du vocable de métiers verts, mais d’une transformation de tous les métiers. La transition vers le développement durable est d’ailleurs considérée comme la “3ème révolution industrielle“, avec un impact colossal sur les métiers d’aujourd’hui et de demain, en modifiant et balayant des activités et métiers traditionnels tout en en créant de nouveaux. En d’autres termes, cette transition détruit et détruira des emplois tant que des anticipations et des mesures ne seront pas prises à bras le corps pour adapter les compétences aux évolutions, à la fois des métiers traditionnels et des nouveaux métiers. C’est pourquoi, plutôt que les polémiques secondaires auxquelles on a assisté lors des discussions sur la loi de la Transition Energétique (adoptée le 14 octobre dernier), la bonne question à poser à propos de la création de 100 000 emplois qu’elle entrainerait aurait été : mais où sont les compétences pour y faire face ?
C’est dans le contexte de cette nouvelle prise de conscience que s’inscrivent les travaux précédemment mentionnés et qui viennent en écho du tournant, passé inaperçu, au sein de la Commission Européenne. Pour la première fois, le 17 juillet 2014, se sont réunis, ensemble, à Milan les ministres européens du travail et de l’environnement prônant la voie de l’intégration des politiques environnementales et de l’emploi pour la stratégie Europa 2020 et déclinant cette nouvelle politique dans la communication Green Employment Initiative. La bonne nouvelle est que l’on semble prendre enfin conscience que les compétences ne sont pas automatiquement au rendez vous !
Mais, la mauvaise est qu’on n’a pas encore pris la mesure des actions à mener pour y parvenir. Or, comme l’a déclaré Achim Steiner (le directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour l’Environnement), il y a un peu plus d’un an Lors du lancement du rapport « Tendances mondiales de l’emploi 2014 » publié le 20 janvier 2014 : « il faut un engagement des politiques publiques pour soutenir ces changements.».
Il s’agit alors d’analyser et d’anticiper les impacts de la transition vers le développement durable sur les métiers et de proposer des politiques et stratégies d’accompagnement de leurs évolutions afin d’assurer la réussite de cette transition pour l’ensemble de l’économie et de la société. Relever de tels défis, doit constituer une priorité nationale transcendant toutes les appartenances politiques, sectorielles, syndicales, de secteur public ou privé, de types de formations (initiale, continue, professionnelle, par alternance, etc…), ou encore de niveaux de formations (depuis le CAP jusqu’au doctorat en passant par les certifications), etc…. C’est en effet à ce prix que la France pourra renouer à la fois avec la croissance, l’emploi, la compétitivité internationale et avec toutes les autres valeurs sociales et environnementales du développement durable.
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