Barcelona – a smart city – CC by CiscoPics via Flickr
Il y a quelques semaines, la maire de Paris, martelait : « Comme smart city, Paris n’a rien à envier à Londres »[1] ! Cela aurait pu passer inaperçu si la « Smart City » ne s’était pas invitée dans les débats pour la course aux municipales, qui plus est avec un franc succès pour ses portes drapeaux, toute couleur politique confondue. Le Maire de Lyon, réélu, a accordé une place importante à ce sujet dans son programme en voulant « faire de Lyon une « Smart City » de référence en misant sur l’innovation »[2]. A Nice le maire, également réélu, s’est appuyé sur le projet « Smart City » qu’il avait initié en 2013 et le maire de Marseille (réélu lui aussi) a orienté les débats lors de sa campagne sur cette thématique de la « Smart City ». Cette dernière fait désormais figure d’enjeu de différenciation compétitive des grandes villes. Et cet engouement ne cesse de s’amplifier. Au CNIT, à Paris, a été organisé, les 24 et 25 septembre 2014, le Congrès « Smart Grid/Smart City »[3] où ont été présentées toutes les applications, solutions et innovations en haut et très haut débit, les réseaux intelligents pour les villes et les territoires, l’efficacité énergétique et les bâtiments intelligents. Toulouse a initié le 16 décembre dernier le Forum « Smart City Toulouse »[4] où ont été débattus les grands enjeux de la ville intelligente qui utilise les leviers du numérique pour améliorer la vie des citoyens. A Nice se tiendra les 24 et 25 juin prochain une nouvelle édition d’ « Innovative City »[5] où il sera question des thématiques de la ville intelligente avec un très grand nombre de conférenciers et d’exposants, venus du monde entier.
Mais pourquoi ce soudain engouement ?
La moitié de la population mondiale vit actuellement dans les villes qui occupent seulement 2% de la surface de la terre. D’ici à 2050, la proportion pourrait atteindre 75%. avec d’importantes conséquences. En plus des questions énergétiques, les villes sont confrontées à de nouveaux problèmes (espace, eau, déchets, mobilité, financement, sécurité, etc…). Entre 1990 et 2010 les émissions de CO2 ont augmenté de 45% principalement à cause de la croissance urbaine puisque les villes génèrent plus des trois quarts de ces émissions. Les villes doivent très rapidement trouver des réponses pour demeurer attractives et compétitives car, dans le même temps, entre 2010 et 2025, les 600 plus grandes métropoles du monde devraient contribuer à 65% de la croissance de la planète.
Dans un tel contexte un nouveau concept a émergé, celui des « smart cities », susceptibles de répondre aux enjeux du développement durable[6]. En d’autres termes des villes du futur dotées d’infrastructures (eau, électricité, gaz, transports, services d’urgence, services publics, bâtiments, etc..) communicantes et durables pour améliorer le confort des citoyens, être plus efficaces, tout en se développant dans le respect de l’environnement. Dans cette perspective, la ville est considérée comme possédant son propre métabolisme, né de l’interaction des multiples systèmes qui la constituent (l’information, l’énergie, , industrie, mobilité, déchets, cycles de l’eau, etc…). Ces systèmes doivent être analysés de façon transversale et interdisciplinaire afin de créer des solutions intelligentes.
Selon les grands exercices de prospective internationaux, nombre de futures innovations favorables au développement durable, sont en effet liées aux avancées et applications des TIC dans tous les secteurs dont la principale intégration passe par ville du futur qui sera intelligente. . Et les secteurs les plus concernés par ces ruptures technologiques (dites intelligentes) sont les secteurs ayant le plus d’impact en termes de taux d’émission de CO2 avec de forts enjeux sociétaux : transport, énergie, santé et habitat. Ces applications des TIC aux villes sont susceptibles de réduire de 15% les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2020. Il n’est donc pas étonnant que depuis 2005 ont fleuri pléthore de rapports gouvernementaux, intergouvernementaux et sectoriels rapprochant TIC et développement durable dans leurs applications aux « Smart Cities »[7].
Les enjeux économiques ne doivent pas non plus être sous-estimés. Le marché des technologies de la « Smart City » ne cessera de croître et dans un contexte d’urbanisation croissante, les villes et les territoires devront optimiser leur fonctionnement tout en réduisant leurs coûts. De la mobilité à l’approvisionnement en énergie et en eau, de la gestion des déchets aux services urbains, tous les secteurs sont concernés. A titre d’exemple, le marché des systèmes d’information pour la gestion de l’énergie qui était de 1,76 milliards de dollars en 2006, approchera 30 milliards en 2015. Les services associés à ce marché, qui représentaient 16 milliards de dollars en 2006, devraient atteindre 30 milliards en 2015. Il est donc indispensable que les métropoles puissent présenter en vitrine les meilleures réalisations et meilleures technologies de la «Smart City ». Il en va de leur compétitivité.
Cet engouement ne fait que commencer au regard des opportunités que représentent ces « Smart Cities » et parce que d’autres pays n’ont pas attendu 2014 pour se lancer dans la course. Mexico, Singapour, Stockholm, Barcelone et bien d’autres se sont engagées dans une stratégie de « Smart City ». Et le vertige s’amplifie quand on étend l’analyse comparative au niveau international des villes considérées comme les plus intelligentes, comme l’illustre la cartographie ci-dessous [8]!
Il faut se rendre à l’évidence, de ce que pointait en 2012, dès son introduction, le Commissariat Général au Développement Durable[9] : « En France, il n’existe pas, aujourd’hui, de ville intelligente (smartcity) à proprement parler ».
Toutefois les « Smart Cities » françaises qui sont en train d’être conçues ont un atout à jouer !
Une « Smart City » ne doit pas se limiter à une vision technologique mais doit soutenir une conception vivante de la ville plaçant l’humain et la vie, via les services et les usages, au cœur des enjeux et des préoccupations.
La révolution digitale permet de fluidifier les interactions entre objets, lieux et individus, pour gérer les ressources de manière plus efficiente, renforcer la résilience, favoriser le lien social, et plus généralement créer de la valeur. Il ne faut donc pas limiter la « Smart City » à la standardisation et à l’automatisation des processus. Des questions de société doivent être traitées : Comment les TIC vont-elles bouleverser les stratégies des acteurs de la ville ? Quels seront les impacts directs de la « Smart City » sur la vie quotidienne des citoyens et de ceux des territoires jouxtant ces villes, en matière de mobilité, de consommation énergétique, de partage de l’information et de services ? Quels rôles joueront les habitants de ces villes ? Seront-ils utilisateurs passifs ou co-constructeurs de leur future ville ?
En d’autres termes, que les « Smart Cities » à la française s’emparent aussi du troisième pilier du développement durable, à savoir la dimension sociale. Et il y aura alors un modèle français de la « Smart City » à promouvoir dans le monde !
[1] Le 14/11/2014. http://www.latribune.fr/regions/smart-cities/20141114
[2]http://www.economie.grandlyon.com/smart-city-lyon-france
[3] http://www.smartgrid-smartcity.com/info
[4] smartcitytoulouse.latribune.fr
[5]http://www. .innovative-city.com
[6] Antony Townsend, 2013, Smart Cities : Big data, civil hackers and the quest for a new utopia, Hardcover.
[7] Sylvie Faucheux, Christelle Hue, isabelle Nicolaï, TIC et Développement durable. Les conditions du succès, de boeck, Ouvertures Economiques, 2010.
[8] Source : Sylvie Faucheux, Christelle Hue, « Eco-innovations : New uses and opportunities », communication d’ouverture, au colloque international The New Decade : opportunites and challenges of China’s sustainable developement, Tongji University, 25-27 july, 2012.
[9] Commissariat Général au développement durable, « La Ville intelligente : état des lieux et perspectives en France », Etudes & Documents, n° 73, Novembre.
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