Ce billet est basé sur mon intervention au Forum SmartCity du Grand Paris le vendredi 27 novembre 2015

Conférence du 27/11/2015 pour le forum Smart City du Grand Paris – Quelle est l’empreinte écologique d’une métropole ?
Les métropoles sont à la fois les principales sources de croissance économique mondiale, les principales responsables et les principales victimes des grands problèmes écologiques régionaux, nationaux et mondiaux.
La moitié de la population mondiale vit actuellement dans les villes qui occupent seulement 2% de la surface de la terre . En 2030 près de 63% des 8 milliards d’habitants de la planète devraient habiter dans des villes. Cette croissance urbaine est particulièrement forte dans les pays émergents ou en développement. En 2025, des villes comme Lagos, Kinshasa pourraient devancer en taille les villes de Pékin, de Rio de Janeiro ou encore, Los Angeles. L’Asie verrait sa population urbaine passer de 1,9 milliard aujourd’hui à 2,7 milliards en 2030. Plus de 60 villes y dépassent déjà le million d’habitants, et ce nombre devrait quadrupler au cours des 5 à 10 prochaines années.
En plus de leurs impacts sur le changement climatique liés à une consommation d’énergie fossile considérable, les villes et leur croissance sont responsables de nombreux autres problèmes environnementaux (utilisation et pollution des sols, eau, déchets, d’émissions de polluants divers, etc..) avec des conséquences dramatiques sur les écosystèmes et la santé humaine, tant locales et régionales que globales. Du point de vue du changement climatique, entre 1990 et 2010 les émissions de CO2 ont augmenté de 45% principalement à cause de la croissance urbaine puisque les villes génèrent plus des ¾ de ces émissions avec des effets négatifs à la fois écologiques et économiques.
En se limitant au changement climatique et à ses impacts, les grandes métropoles seront très touchées. Des centaines de millions de personnes vivant dans les deltas, sur les îles et sur les littoraux, où sont situés un nombre considérable de métropoles, devront se déplacer d’ici à la fin du siècle avec de plus en plus de réfugiés climatiques. Notons qu’à l’instar de New York (19 millions d’habitants), 16 des 20 plus grandes mégalopoles mondiales sont situées en bord de mer où l’élévation des eaux pourrait atteindre près d’un mètre ! Les inondations inquiètent déjà des centaines de millions de citadins. Si les villes d’Asie sont les plus exposées au danger, Paris n’y échappe pas. Les constructions et les centres urbains doivent s’adapter à la multiplication des catastrophes naturelles, ce qui n’est manifestement pas encore le cas, comme en témoigne l’inondation de la Nouvelle Orléans en aout 2005.
Les défis sont donc d’ordre économique, social et écologique. Les métropoles concentrent en effet l’essentiel de la population, des activités économiques et de la responsabilité des problèmes environnementaux.
Les villes doivent très rapidement trouver des réponses pour demeurer attractives et compétitives car, dans le même temps, entre 2010 et 2025, les 600 plus grandes métropoles du monde devraient contribuer à 65% de la croissance de la planète.
L’épuisement du modèle de développement urbain initié après la seconde guerre mondiale atteint son paroxysme et des nouveaux outils sont nécessaires pour guider les choix d’un nouveau modèle. L’empreinte écologique en est un. Elle constitue un indicateur écologique pour la soutenabilité environnementale des Métropoles.
L’empreinte écologique d’une ville (ou d’un territoire) peut se définir comme un indicateur écologique synthétique mesurant l’ampleur de l’impact environnemental de ses activités humaines (dont économiques).
Depuis au moins les années 1970, des économistes (mais pas que) s’insurgent contre le seul indicateur synthétique issu de la comptabilité nationale pour guider les choix, y compris en matière de conception et d’aménagement des métropoles. Chacun connait le non sens dans la façon de calculer le PIB qui fait, qu’en l’absence de prix du « capital naturel critique », plus on pollue plus on accroit le PIB (grâce aux activités de pollution..)… Des travaux se sont multipliés au tournant des années 1980 et 1990 pour dénoncer cela : OCDE, Banque Mondiale, EUROSTAT, en France comptabilité patrimoniale.
C’est pourquoi se sont développés, avec le courant de l’économie écologique (Ecological Economics) et la propagation du concept de développement durable, de nouveaux indicateurs synthétiques physiques complémentaires au PIB monétaire. L’empreinte écologique en fait partie, tout comme l’empreinte carbone ou le MIP (le contenu matériel) d’un produit ou d’une activité ou encore un indicateur agrégé énergétique (FAUCHEUX S., O’CONNOR M. (eds., 1998), Valuation for Sustainable Development. Methods and Policy Indicators, Edward Elgar Publisher (UK), Cheltenham.).
L’empreinte écologique propose une estimation de la surface des terres productives qui serait nécessaire pour supporter les activités économiques (ou plus largement humaines) sur un territoire. Wackernagel and Rees sont à l’origine de cet indicateur, à la fin des années 1990 et ont, depuis, créé un institut dédié ainsi qu’un réseau international. : Global Footprint Network.
Il s’agit par conséquent d’un indicateur synthétique de pression environnementale locale et globale exercée par ce territoire. Je n’aborderais pas les questions méthodologiques ici. Beaucoup de territoires et de villes ont développé des analyses d’empreinte écologique pour les éclairer dans leurs décisions.
Cette empreinte écologique est à comparer avec la bio-capacité du même territoire en question pour obtenir une information sur sa soutenabilité environnementale.
Une application de cette approche à Paris Métropole (représentant l’ensemble des territoires d’Ile de France) dans un travail de recherche auquel j’ai participé il y a quelques temps (AUDRAIN, Johann, CORDIER, Mateo, FAUCHEUX, Sylvie, and O’CONNOR, Martin 2013, « Ecologie territoriale et indicateurs pour un développement durable de la métropole parisienne, » Revue d’Economie Régionale et Urbaine, 2013, 03, pp. 525-562, Novembre 2013) a fourni les résultats suivants : l’empreinte écologique du francilien moyen est de 5,17 hag (hectare global) par an et par habitant pour une bio-capacité du territoire de 0,47 hag (hectare global). Ainsi, la quantité nécessaire de terre pour permettre aux Franciliens de satisfaire leurs besoins (les usages d’alimentation, logement production, transport,etc…) s’avère par conséquent très supérieurs aux limites administratives du Grand Paris.

Quelle est l’empreinte écologique d’une métropole ? table ronde avec Philippe Mabille, Anne Ged, Boyd Cohen, Sylvie Faucheux et Romain Lacombe
L’empreinte écologique peut s’analyser de deux façons : par type de consommation et par type d’usage des sols.
Par type d’usage, il s’avère que plus de 50% de l’empreinte écologique du francilien est dû à l’usage de la terre carbone (pour absorber le CO2 émis par la métropole) et:23% pour les cultures.
Par type de consommation, l’alimentation représente 33%, la mobilité 13%, la production (dont énergie) : 22% et le Logement : 15%
Il en ressort un résultat intéressant et parfois oublié dans les discussions, notamment à propos du changement climatique : en plus des activités le plus souvent mises en avant pour leur contribution nocive sur l’environnement d’une ville : transport, production et distribution d’énergie, mobilité…il y a aussi l’alimentation, d’où l’importance de ne pas oublier le volet agriculture du territoire francilien dans les solutions.
L’empreinte écologique éclaire ainsi le choix des métropoles ou des territoires en termes de stratégie de développement et permet de mesurer les évolutions et les impacts des différentes politiques du point de vue de la soutenabilité environnementale.
L’empreinte écologique ne représente toutefois qu’une dimension d’une métropole (ou d’un territoire) soutenable
L’empreinte écologique reste un indicateur écologique synthétique (non dénué de critique), de même que le PIB est un indicateur économique synthétique. Il ne prend en compte qu’un aspect de l’environnement (équivalent terre).
D’autres indicateurs synthétiques de pression environnementale peuvent être utilisés, comme indiqué précédemment.
Par ailleurs, il ne faut pas non plus perdre de vue la nécessité d’articuler ces indicateurs synthétique écologiques avec des indicateurs synthétique économiques et sociaux pour mesurer aussi la « pression » sociétale d’une ville (ou d’un territoire).
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