La transition vers l’économie circulaire est, depuis 2015, l’un des volets clés de la stratégie européenne en faveur d’une économie verte, inclusive et durable. La future présidence Bulgare de l’UE pendant 2018, a d’ores et déjà intégré l’économie circulaire parmi ses priorités d’action.
En France, la transition vers une économie plus circulaire fait partie des objectifs nationaux fixés par la Loi de transition énergétique pour la croissance verte d’août 2015 et a été remis à l’honneur lors One Planet Summit consacré à la finance verte le 12 décembre dernier à Paris.
Regardons d’un peu plus près les avancées aux niveaux national et européen.
La feuille de route pour l’économie circulaire en France
En France, la Loi de transition énergétique pour la croissance verte d’août 2015 a notamment pour , engagement de réduire de moitié la mise en décharge de déchets à l’horizon 2025, et de valoriser jusqu’à 70% des déchets du BTP d’ici 2020.
Cet engagement sur les déchets se trouve renforcé depuis le changement de présidence et de gouvernement en 2017. Sont réitérés, d’une part, dans le cadre du Plan Climat annoncé par Nicolas HULOT en juillet 2017, un ensemble d’objectifs de transition vers la « neutralité carbone » de l’économie français, dont le captage des gaz à effet de serre par des processus écologiques (dont les forêts et d’autres formes de biomasse). Et, d’autre part, la mise en place d’un ensemble de mesures fiscales — dont un système d’éco-contribution qui permettra de « favoriser les produits durables » grâce à une taxation des « produits néfastes pour l’environnement » et, une augmentation progressive de la taxe générale sur les activités polluantes afin de détourner les flux de l’incinération et l’enfouissement et de se doter de nouveaux moyens pour favoriser la modernisation des centres de tri — afin de parvenir à « 100 % de plastique recyclé sur tout le territoire d’ici 2025 ».
Il ne reste, bien évidemment, qu’à définir les modalités concrètes pour la réalisation de ces objectifs…. Comment arriver à réduire réellement de moitié la mise en décharge, et recycler 100% des plastiques d’ici 2025 ??? C’est la Feuille de route économie circulaire, dont les travaux de consultation sont lancés depuis juillet 2017, qui devrait permettre de proposer des mesures concrètes pour atteindre ces objectifs.
L’élaboration de la feuille de route, prévue par le Plan Climat de juillet 2017, s’appuie à la fois sur des groupes d’expertise animés par les ministères concernés, et sur un processus participatif qui engage à la fois les professionnels, les acteurs économiques et les citoyens.
La première phase de consultation publique sur l’économie circulaire a été lancée le 30 octobre 2017 par Mme Brune POIRSON, secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Cette consultation publique a pris fin le 6 décembre.
L’objectif de la consultation a été de permettre à la diversité d’acteurs de contribuer en émettant des propositions et des avis sur les 5 axes de la feuille de route et sur des thématiques du quotidien :
- Comment mieux consommer ?
- Comment mieux recycler ?
- Comment produire mieux avec moins de ressources ?
- Comment mobiliser l’ensemble des acteurs, du particulier aux entreprises, pour accélérer cette nouvelle économie ?
- Quelles sont les mesures d’accompagnement qui doivent être mises en place pour favoriser la transition vers l’économie circulaire ?
En cinq semaines, le total des contributions s’élève à environ 1800 et le total des « votes » à plus de 16 milles. Ces contributions en ligne ont d’ores et déjà alimenté les travaux des experts qui se sont réunis en atelier depuis le mois d’octobre 2017. Parmi les pistes concrètes émergent à travers ces contributions :
- Retour de la consigne pour les emballages en verre, en plastique ou en métal ;
- Uniformisation et clarification des consignes de tri sur le territoire français (par exemple, des couleurs des bacs identiques) ;
- Simplification de l’accès au tri dans les espaces publics, dans les entreprises et les administrations ;
- Mise à disposition par les collectivités de bacs de compost individuel ou collectif ;
- Création de réseaux de réparateurs de proximité afin de lutter contre l’obsolescence programmée ;
- Clarification et dématérialisation des règles d’étiquetage des produits….
Ces idées citoyennes ainsi que les travaux en ateliers, nourriront ensuite l’élaboration de la première trame de la Feuille de route pour l’économie circulaire qui sera soumise à une nouvelle consultation publique du 15 janvier au 2 février 2018.
En attendant, toutes les contributions resteront en ligne jusqu’à la publication de la Feuille de route, en mars 2018. Vous pouvez les retrouverez sur la plateforme de l’économie circulaire :
- Du 15 janvier au 2 février 2018 : Nouvelle phase de consultation publique sur le premier projet de Feuille de route issue des travaux en ateliers et des contributions déposées sur la plateforme ;
- Le 1er mars 2018 : publication de la Feuille de route de l’économie circulaire.
Les indicateurs EUROSTAT de l’économie circulaire
Le passage à une économie circulaire est au cœur de l’initiative sur l’utilisation efficace des ressources établie dans le cadre de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. En décembre 2015, la Commission Européenne a adopté un nouveau paquet de mesures sur l’économie circulaire afin de stimuler la transition de l’Europe vers une économie circulaire qui renforcera la compétitivité internationale, favorisera une croissance économie durable et créera de nouveaux emplois. Des informations plus détaillées se trouvent dans le plan d’action de l’UE en faveur de l’économie circulaire.
L’objectif stratégique général de l’UE est de réduire les incidences environnementales associées à l’utilisation des ressources naturelles en Europe. L’utilisation plus efficace des ressources présente des avantages économiques, tels qu’une productivité renforcée, des coûts réduits et une compétitivité accrue :
- Le 21 décembre 2005, la Commission Européenne a proposé une stratégie en matière d’utilisation durable des ressources naturelles.
- En 2010, l’Union européenne a élaboré l’initiative phare intitulée « Une Europe efficace dans l’utilisation des ressources », qui est l’une des sept initiatives phares de la stratégie 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive. Un certain nombre de feuilles de route coordonnées ont été élaborées pour les initiatives et utilisées afin d’orienter la formulation des politiques d’ici à 2020.
- Le document relatif aux ressources naturelles est la feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources, qui comprend une série d’indicateurs destinés à contrôler l’utilisation efficace des ressources dans l’UE.
- Les principaux éléments de la feuille de route ont été élaborés plus en détail dans le septième Programme d’Action pour l’Environnement (7ème PAE) adopté en 2013, qui est un cadre guidant la politique environnementale européenne. Ce programme d’action définit les objectifs stratégiques de la politique environnementale de l’UE jusqu’en 2020, ainsi que son ambition au-delà de cette période, jusqu’en 2050. Les trois priorités du 7ème PAE sont de transformer l’UE en une économie efficace dans l’utilisation des ressources, verte, compétitive et à faibles émissions de carbone ; de protéger, conserver et améliorer le capital naturel de l’Union Européenne ; et de protéger les citoyens européens contre les pressions et les risques liés à l’environnement sur la santé et le bien-être.
Ces initiatives doivent être accompagnées par des jeux d’indicateurs adaptés.
C’est donc au niveau européen que l’on a établi, depuis 2011, une feuille de route pour une Europe efficace dans l’utilisation des ressources. Cette dernière définit un cadre pour la conception et la mise en œuvre des actions futures et présente une liste d’indicateurs potentiels (dans son Annexe 6). Une série d’indicateurs relatifs à l’utilisation efficace des ressources a été choisie de manière à couvrir le plus grand nombre possible des thèmes et sous-thèmes recensés dans cette feuille de route. Ces indicateurs sont exposés sur la page d’Eurostat consacrée au Tableau de bord sur l’utilisation efficace des ressources.
La Commission européenne a proposé de continuer à utiliser la « productivité des ressources » (Resource productivity — tsdpc100) comme indicateur principal. Celui-ci est calculé en divisant le Produit intérieur brut (PIB) par la quantité totale de matières utilisées par une économie (Consommation intérieure de matières – CIM), sans tenir compte des ressources naturelles telles que les terres/surfaces, l’eau, l’air, les écosystèmes, etc. Cet indicateur quantifie la relation entre la croissance économique et l’épuisement des ressources matérielles.
Toutefois, bien qu’il soit considéré comme le plus approprié à l’heure actuelle, il présente d’importantes lacunes :
- le ratio PIB/CIM adopte le point de vue de la production nationale et ne tient donc pas compte des variations dans l’utilisation des matières premières au-delà des frontières nationales ;
- la CIM mesure les matières premières en fonction de leur poids et ne tient donc pas suffisamment compte de leur rareté, de leur valeur économique ou de leurs incidences sur l’environnement.
Ainsi, si l’initiative phare d’une Europe efficace dans l’utilisation de ressources environnementales se traduit globalement dans des indicateurs d’efficacité écologique (pressions environnementales par unité d’activité économique), l’accompagnement de la transition vers l’économie circulaire nécessite des indicateurs spécifiques. Dans le système EUROSTAT, une partie du tableau de bord sera donc consacrée aux indicateurs qui reflètent les plusieurs éléments, dont la gestion des déchets, nécessaires dans une économie circulaire pour « boucler la boucle ».
Aujourd’hui (décembre 2017), sous la rubrique Transformer les déchets en ressources, quatre indicateurs sont effectivement recensés, dont les liens pour les données descriptives sont :
- Déchets générés excepté les principaux déchets minéraux
- Taux de mise en décharge des déchets (enfouissement ou décharge au sol), excepté les principaux déchets minéraux
- Taux de recyclage des déchets municipaux
En 2018, ces quatre indicateurs seront complétés par un jeu de 15 indicateurs supplémentaires, qui s’adresseront à d’autres défis de réduction, de réutilisation, de recyclage et de revalorisation de différentes classes de matériels au sein de l’économie.
Code Eurostat | Intitulé provisoire de l’Indicateur |
cei_pc010 | 1) EU self-sufficiency for critical materials |
cei_pc020 | 2) Green Public Procurement |
cei_pc031 | 3) Waste generation: a) municipal waste (per capita) |
cei_pc032 | 3) Waste generation: b) all waste excluding major mineral waste (per GDP unit) |
cei_pc033 | 3) Waste generation c) all waste excluding major mineral waste (per DMC unit) |
cei_pc040 | 4) Food waste |
t2020_rt120 | 5) Recycling rates: a) municipal waste |
cei_wm010 | 5) Recycling rates: b) all waste excluding major mineral waste |
cei_wm020 | 6) Recycling rates: a) overall packaging |
cei_wm020 | 6) Recycling rates: b) plastic packaging |
cei_wm020 | 6) Recycling rates: c) wood packaging |
t2020_rt130 | 6) Recycling rates: d) WEEE |
cei_wm030 | 6) Recycling rates: e) bio-waste |
cei_wm040 | 6) Recycling rates: f) construction waste |
cei_srm010 | 7) Contribution of recycled materials to raw materials demand |
cei_srm020 | 8) Trade in recyclable raw materials (intra-EU, extra-EU) |
cei_cie010 | 9) Private investments, jobs, and gross value added: recycling sector; repair and reuse sector |
cei_cie020 | 10) Patents related to recycling and secondary raw materials |
Source : documents de travail (2017) auprès d’Eurostat. A noter que les deux indicateurs avec codes t2020_rt120 et t2020_rt130, sont d’ores et déjà intégrés au tableau de bord, alors que les autres font actuellement l’objet d’un travail de validation des bases statistiques et des conventions de calcul aux niveaux des pays européens et des agrégats européens.
Une plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire
Les acteurs des territoires au sein des pays européens n’attendent pas la validation des jeux d’indicateurs officiels pour s’engager dans la transition vers une économie circulaire. A ce propos, le lancement d’une plateforme des acteurs européens de l’économie circulaire a été annoncé par la Commission européenne et le Comité économique et social européen lors de la conférence sur l’économie circulaire qui s’est tenue à Bruxelles les 9 et 10 mars 2017.
Depuis le 10 novembre 2017, la plateforme internet est accessible et se veut un lieu de rencontre virtuel et une source d’informations pour toutes les parties prenantes de l’économie circulaire en Europe : autorités publiques, entreprises, syndicats, société civile.
Cette plateforme est co-gérée par le Comité économique et social européen, et plus particulièrement par un groupe de coordination.
Pour le moment (décembre 2017) la participation au groupe de coordination, assez restreinte, est dominée par des représentants des organisations transversales, typiquement européennes et internationales. Les acteurs français se trouvent néanmoins représentés par le biais de l’Institut de l’économie circulaire.
Selon les objectifs affichés, les parties prenantes de la transition vers l’économie circulaire peuvent déposer des contributions sur leurs bonnes pratiques et initiatives en matière d’économie circulaire ou y consulter des documents officiels sur les stratégies adoptées par des autorités publiques en faveur de l’économie circulaire, ainsi que des rapports et études d’institutions ou d’organismes indépendants.
La plateforme a ainsi pour mission de renforcer la coopération entre les parties prenantes et de mettre en évidence les obstacles sociaux, économiques et culturels qui entravent actuellement le développement d’une économie circulaire en Europe. En cela, la plateforme a également vocation à inspirer les orientations futures de l’Union européenne sur l’économie circulaire. Elle doit évoluer en 2018 vers plus d’interactivité avec de nouvelles fonctionnalités permettant aux parties prenantes d’échanger directement sur des thèmes de discussion donnés.
Quelques événements récents autour de l’économie circulaire — retour sur le salon « World Efficiency Solutions »
Le premier rendez-vous international de l’économie sobre en ressources et carbone a eu lieu, du 12 au 14 décembre 2017 à la Porte de Versailles, Paris.
Partenaire institutionnel et membre du comité d’organisation du salon World Efficiency Solutions, l’Institut National de l’Economie Circulaire a organisé deux événements traitant spécifiquement de la transition vers une économie circulaire.
L’Atelier : Construire les réseaux de l’économie circulaire : de l’échelle territoriale à la plateforme européenne (le mercredi 13 Décembre 2017), avec la participation de :
- Monsieur François-Michel LAMBERT, Président de l’Institut National de l’Economie Circulaire
- Monsieur Denis COCCONCELLI, Directeur du Directeur du Centre International de Ressources et d’innovation pour le Développement Durable ( CIRIDD)
- Monsieur Cillian LOHAN, membre du Comité économique, social et environnemental (CESE) de l’UE et coordinateur de la plateforme européenne de l’économie circulaire (PEEC)
Le passage à l’échelle de l’économie circulaire requiert la coopération de l’ensemble des parties prenantes de la société (pouvoirs publics, entreprises, collectivités territoriales, universités et centres de recherche, citoyens, etc.) pour faire évoluer les modes de production et de consommation. Cet atelier a permis aux participants de discuter deux initiatives à des échelles différentes : (1) le réseau des plateformes territoriales de l’économie circulaire en France, et (2) les actions de la nouvelle plateforme européenne des parties prenantes de l’économie circulaire lancée par le CESE européen et la Commission Européenne.
Une Conférence et Table Rondes ur les stratégies territoriales d’économie circulaire, de la ville à la région, coorganisée en partenariat avec Renewable Matter (Jeudi 14 Décembre 2017)
Les territoires, des métropoles aux régions, sont des acteurs centraux de la transition vers l’économie circulaire . Leurs modes d’action sont susceptibles de varier en fonction de leur périmètre et de leurs compétences. Quelques exemples des stratégies établies par des territoires précurseurs et innovants ont été présentées lors de cette table ronde modérée par Emmanuelle MOESCH (chargée de mission à l’Institut National de l’Economie Circulaire). Parmi les participants de la Table Ronde :
- Xavier LEMOINE, Conseiller métropolitain à l’économie circulaire de la Métropole du Grand Paris
- Maria GRAZIA PEDRANA, Représentante de la région Lombardie (Italie)
- Rebecca WALKER, Responsable des affaires réglementaires de l’Agence écossaise de la protection de l’environnement
- Andrea CRUMP, Responsable projets et politique économie circulaire pour le London Waste and Recycling Board
- Kari HERLEVI, Directeur de projets économie circulaire au SITRA (Finlande)
- Nathalie COUSIN, Cheffe de projet économie circulaire à la Région Bretagne
2018 sera sans conteste déterminante dans l’avancée de l’Economie circulaire au niveau européen et la France semble bien engagée dans cette voie. Rendez-vous donc l’année prochaine autour de ces enjeux !