Les logements sociaux durables sont possibles, généralisons-les ! Retour d’un voyage d’étude à Liverpool

Logements sociaux Liv 4 - 650
Exemples de logements sociaux élaborés à partir de la méthode First Ark

 

Le logement social, qui, en France, était à la pointe de la modernité dans les années 1970, est aujourd’hui confronté à une triple impasse : écologique (due essentiellement à l’inefficacité énergétique de son parc actuel), sociale (la cohésion sociale est fortement distendue) et économique (ses modèles économiques traditionnels sont obsolètes). Ce constat touche en priorité la situation française et en particulier la région Île-de-France. De nombreux pays européens se sont orientés, depuis la fin des années 1990 vers des nouvelles conceptions de logements sociaux, et plus globalement de quartiers durables (qualifiés d’écoquartiers ou d’éco-cités) et, depuis les années 2000 vers des bâtiments intelligents s’insérant dans des « smart cities » (dont bâtiments intelligents, mobilité intelligente, distribution énergétique intelligente)[1]. Il s’agit d’appréhender les bâtiments et les parcs immobiliers (notamment sociaux) comme une des composantes de la ville de manière intégrée dans l’aménagement du territoire et en interaction avec tous les autres services[2].

Les motivations réglementaires, telles que la loi de la transition énergétique adoptée par la France en 2015, ou encore les engagements issus de la COP 21 dans le cadre de l’Accord de Paris en décembre 2015, ne sont pas les seules en jeu. La demande sociale ou encore les enjeux de compétitivité et de dynamisme des territoires en sont aussi les moteurs.

Dans un programme d recherche-action, je mène actuellement, en partenariat avec l’OPIEVOY, premier office public de l’habitat de la couronne parisienne et deuxième OPH de France, j’aborde, par le biais de plusieurs études de cas détaillées, la question des bonnes pratiques et des méthodes et outils en faveur d’une démarche de transition vers des logements sociaux économiquement viables et exemplaires en matière écologique et de cohésion sociale.

Pour ce faire, j’opère une distinction entre rénovation du parc et des quartiers existants[3] et la construction de nouveaux logements et quartiers.

Des solutions, dites d’innovations sociales, existent et sont donc possibles.

À titre d’illustration purement indicative, citons les aspects suivants :

  • favoriser la mixité sociale: création d’espaces de rencontre, suppression des clôtures dans les espaces privatifs, mise en place d’un marché de petits producteurs locaux, le partage de gros équipements électro-ménagers et de bricolages, espaces de co-working, organisation de circuits courts avec les territoires ruraux de proximité, installation de fablab ou encore d’incubateurs d’entrepreneuriat social, etc…
  • limiter les transports motorisés: construction de garages collectifs aux entrées du quartier, mise en place d’un système d’auto-partage, conversion des rues en espaces dédiés au jeu et à la circulation piétonne ou à vélo, etc…
  • maîtriser l’énergie: requalification des tours existantes (végétalisation,  jardins sur les terrasses etc…), respect des critères d’éco-construction, construction de maisons passives voire à énergie positive, installation de panneaux photovoltaïques sur les toitures, mise en place d’usine de cogénération à base de biomasse alimentant le réseau de chaleur, etc…
  • réduire la consommation d’eau potable: récupération des eaux de pluie et utilisation pour les usages quotidiens (toilettes, lave-linge, arrosage, ), recyclage des eaux usées d’origine domestique pour produire du biogaz, construction de toitures plates et végétalisées pour maximiser la rétention d’eau.
  • Réduire la production de déchets: gestion des déchets, utilisation de matériaux recyclés.

Dans le cadre de cette recherche, nous avons réalisé un voyage d’études à Liverpool, grâce à nos collègues de Liverpool Hope University avec qui nous avons pu rencontrer les équipes de First Ark et visiter plusieurs de leurs réalisations exemplaires en termes de logements sociaux.

Le groupe First Ark est un opérateur de premier plan de logements sociaux dans le nord-ouest de l’Angleterre, avec un business model totalement nouveau, puisqu’il s’agit d’un modèle unique d’entrepreneuriat social , comme cela est mentionné dans toutes leurs présentations : « ..la création de valeur sociale est au cœur de tout ce que nous faisons et, est l’ingrédient clé de notre formule innovante pour créer du succès….. ». En effet, son ambition est d’être un pionnier dans la création de valeur sociale autour des logements sociaux et des services de proximité qui contribuent à une économie sociale et solidaire.  Leur succès, dans un contexte de tensions extrêmes pesant sur la politique de logement social en Grande-Bretagne et, sur le territoire de Liverpool (un lieu d’émeutes majeures dans les années 1980), doit sans conteste retenir l’attention. First Ark publie d’ailleurs un rapport, Social Accounts, annuel.

Cette approche de First Ark se décline en plusieurs axes, dont nous avons pu prendre la mesure, et parmi lesquels nous pouvons citer les suivants :

– Des solutions logement et services connexes.

– L’employabilité et la formation.

– Des partenariats de type économie sociale et solidaire.

– Une présence dans la communauté.

– Une prise en compte des enjeux environnementaux (efficacité énergétique, réduction des émissions de GES, recyclage des déchets, biomatériaux, énergie solaire et plus largement renouvelable, etc…).

– Un rôle d’incubateur d’entrepreneuriat social.

– Des programmes d’inclusion, notamment autour de la gestion financière et de l’axe digital/numérique.

Nul doute que de tels retours sur expérience ne peuvent que contribuer à mieux construire un modèle innovant de logements sociaux en France, étape indispensable si l’on veut prétendre à des villes intelligentes et durables.

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[1] Sachant que chacun des domaines : habitat, transport, production et distribution énergétique contribue à près de 90% des émissions de CO2.

[2] Les projets de rénovation et de construction (de logements/quartiers à caractère social), construits dans une démarche multisectorielle (construction, énergie, transport, etc…), offrent une meilleure garantie, au sein de l’espace créé, d’une mixité sociale et d’une maîtrise de l’empreinte carbone.

[3] Il est admis qu’au rythme actuel de renouvellement du parc immobilier, plus de 50% du parc de 2050 est déjà existant. Sa rénovation constitue donc un enjeu majeur. Il est d’ailleurs possible d’améliorer la performance énergétique du parc existant de 60 à 85% avec les techniques déjà existantes sur le marché.