Je concluais mon billet du 20 décembre 2017, intitulé en marche vers l‘économie circulaire, par : « 2018 sera sans conteste déterminante dans l’avancée de l’économie circulaire au niveau européen et la France semble bien engagée dans cette voie. Rendez-vous donc l’année prochaine autour de ces enjeux ! ».
Et bien nous y voilà avec la feuille de route “50 mesures pour une économie 100% circulaire” qui est sortie en France le 23 Avril 2018.
Cette dernière s’inscrit pleinement dans la stratégie menée par la Commission Européenne depuis 2014 ayant pour objectif de faire de l’Europe le leader de l’économie circulaire en promouvant notamment le recyclage dans les États membres. Une telle ambition vise à la fois une amélioration de l’empreinte écologique européenne, un moyen d’atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le Climat et de relancer la compétitivité et la création d’emplois non délocalisables.
L’économie circulaire permet en effet de découpler croissance économique et consommation du capital naturel (énergie, matières premières, eau, biomasse, sol, etc…) dans sa globalité, via une meilleure productivité de celui-ci. Et c’est bien dans cette optique que se situent les pouvoirs publics français, si l’on en juge par les toutes premières phrases du rapport des « 50 mesures pour une économie 100% circulaire » :
Si le XX eme siècle a été celui des gains de productivité sur le travail, le XXIeme siècle devra être celui des gains de productivité sur les ressources sans quoi nous ne pourrons pas bénéficier de tout le potentiel de la révolution numérique et de l’intelligence artificielle
Des objectifs affichés dont jusqu’à 300 000 emplois créés
- Réduire de 30% la consommation des ressources par rapport au PIB d’ici 2030 par rapport à 2010
- Réduire de 50% les quantités de déchets non dangereux mis en décharge en 2025 par rapport à 2010
- Tendre vers 100% de plastiques recyclés en 2025.
- Économiser l’émission de 8 millions de tonnes de CO2 supplémentaires chaque année grâce au recyclage du plastique
- Créer jusqu’à 300 000 emplois supplémentaires y compris dans des métiers nouveaux.
La France se dote donc d’un cadre en faveur d’une politique d’économie circulaire et rejoint en cela un certain nombre de pays, plus ou moins précurseurs. L’étude du CGDD (Commissariat général du développement durable) publiée en 2014 et intitulée « Comparaison internationale des politiques publiques en matière d’économie circulaire » donnait déjà un éclairage très intéressant en cette matière. Depuis nombre de travaux ont fleuri dans le cadre de la préparation de la stratégie hexagonale.
Allemagne, Pays-Bas, Danemark et Suisse en pointe sur l’économie circulaire
Si chaque pays intègre sa vision de l’économie circulaire dans ses lois, tous s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’un nouveau levier de croissance durable.
L’Allemagne a légiféré la première, avec une loi sur la gestion des déchets en 1994, révisée en 2012 et complétée par un programme national sur l’utilisation efficace des ressources. Elle s’est aussi dotée très tôt d’instrument et d’indicateurs de suivi, via des instituts spécialisés tels que le Wuppertal Institut dès les années 1990. Les Pays-Bas ont, quant à eux, établi un plan national «towards a material chain policy»sur la période 2009-2020 avec des actions publiques plus incitatives que coercitives et une approche «chaîne de la matière » visant à limiter l’impact environnemental tout au long de la chaîne production. Le Danemark est le premier pays à avoir développé un plan national de symbiose industrielle et a été rejoint par le Royaume Uni dans cette voie. L’écosse vient de mettre en place une politique de recyclage très forte par le biais d’un programme « zéro déchets » qui promeut le recyclage et le marché des matières recyclées. Le Canton de Genève en Suisse a inscrit l’économie circulaire dans sa constitution.
Japon, Chine et France : des objectifs ambitieux sur l’économie circulaire
Le Japon, avec sa loi-cadre datant de 2000 («sound material-cycle society»), privilégie le recyclage, le principe de proximité et de prévention des déchets (les 3R Réduction-Réutilisation-Recyclage). Son dispositif législatif est complet et mêle incitatif et coercitif.
La Chine, qui a édicté une loi de promotion de l’économie circulaire en 2008, accorde une priorité aux technologies propres et à l’écologie industrielle.Sa législation intervient à tous les niveaux de l’Etat, des régions et des villes avec, pour chaque secteur, des orientations précises et une liste des technologies à utiliser ainsi que la promotion de l’écologie industrielle. Certains considèrent que la Chine fait partie des pays pionniers en matière d’Economie circulaire, à savoir les Pays-Bas, l’Allemagne et le Japon.
La France, avec ses 50 mesures pour une économie 100 % circulaire rejoint donc ces pays avec l’objectif extrêmement ambitieux d’en prendre le leadership
Il s’agira également de porter notre ambition d’économie 100% circulaire au niveau européen et international via l’initiative #MakeOurPlanetGreatAgain. Dans le sillage du leadership qu’elle a pris sur le climat, la France peut devenir le fer de lance de l’économie circulaire au niveau mondial.
Avant cela, notre pays devra se doter des mesures législatives adéquates à travers la loi de transposition de la nouvelle directive européenne sur les déchets et par le biais des travaux d’élaboration des prochaines lois de Finance. Cela est prévu pour 2019 mais beaucoup de prémisses figurent déjà dans la Loi sur la transition Energétique de 2015.
La feuille de route de l’économie circulaire : une concertation exemplaire
En attendant, on ne peut que saluer la démarche de concertation qui a été menée pour parvenir à ces 50 propositions figurant dans le document « Feuille de Route ». En effet, outre des groupes de travail avec de nombreuses parties prenantes constitués depuis 2017, une plateforme en ligne avait été ouverte afin de permettre aux citoyens d’intervenir directement. Par ailleurs la vision de l’économie circulaire qui y est proposée implique un nouveau projet de société et intègre toutes les dimensions de l’innovation, qu’elle soit technologique ou de service (économie de la fonctionnalité) ou encore d’organisation (éco-conception, écologie industrielle, etc..) avec comme fil rouge la notion de Responsabilité.
Rendre opérationnelle ces 50 mesures : la question cruciale des compétences
L’enjeu est désormais de rendre opérationnelles ces 50 mesures. Pour ce faire la priorité est, me semble t-il, de prendre à bras le corps la question des profils de compétences adaptés à la nouvelle donne recherchée que l’on trouve sous forme très générale dans les propositions 6 (« Adapter à partir de 2019 les compétences professionnelles pour mieux produire au niveau national et dans les territoires ») et 42 (“Sensibiliser et Éduquer”).
S’il s’agit de former des jeunes aux nouveaux métiers qui vont résulter de l’économie circulaire, il est aussi et surtout indispensable, de former les décideurs, managers, entrepreneurs ou encore financiers actuellement en poste, aux nouvelles perspectives, méthodes, technologies, services, outils de cette transition majeure vers une croissance durable qu’est l’économie circulaire.