Pour un homo numericus durable

L’homme de vitreuse Ă  l’Ăšre numĂ©rique : CCBY Gerd Altmann via Pixabay

L’économie reste le fait majeur

En juin 2015, je publiais sur mon blog un article au titre un peu provocateur : L’Homo Numericus va-t-il supplanter l’Homo Economicus ? Ce billet a rencontrĂ© un certain succĂšs et continue Ă  ĂȘtre lu et partagĂ©. Le postulat Ă©tait le suivant : l’homo numericus allait supplanter l’homo oeconomicus sous peu. La digitalisation des Ă©conomies tant « occidentales » qu’asiatiques ou encore africaines s’est effectivement accrue. En France, comme ailleurs, la dynamique des start ups est trĂšs orientĂ©e vers le « digital » avec de belles rĂ©ussites et mĂȘme des licornes. La raison d’ĂȘtre de ces nouvelles entreprises est pourtant rarement en adĂ©quation avec les questions de responsabilitĂ© face Ă  la sociĂ©tĂ© et Ă  l’environnement. Bien heureusement les Tech for good sont elle aussi en progression et prĂ©sentent un bilan beaucoup plus en phase avec des impĂ©ratifs de soutenabilitĂ©. 

Ceci Ă©tant dit il est parfois difficile pour ces innovations responsables de faire leur chemin et de trouver un business model en adĂ©quation avec les attentes des futures gĂ©nĂ©rations d’utilisateurs et consommateurs de ces solutions. 

Numericus monte en puissance mais Economicus reste prĂ©dominant. 

Climate Generation et Digital Age

2019 nous a fait entrer dans une nouvelle dĂ©cennie, celle de la climate generation. Au-delĂ  de buzzword comme le OK boomer on voit un sentiment grandissant de questionnement vis Ă  vis de nos actions et de nos usages. En tĂ©moignent tant l’attitude des consommateurs que le positionnement des marques vis-Ă -vis d’opĂ©rations comme le Black Friday. 

On peut lĂ©gitiment questionner nos usages et la perception que les citoyens ont (ou non) des consĂ©quences de l’utilisation de solutions et d’appareils numĂ©riques au jour le jour. C’est ce Ă  quoi s’attelle depuis 6 annĂ©es maintenant le Digital Society Forum, une des initiatives qui se veut proches du citoyen et impulsĂ©e par Orange. Le forum relĂšve que nos usages digitaux avoisinent les 6% de la consommation mondiale d’électricitĂ©, soit « 3,5% des Ă©missions mondiales de CO2 liĂ©es Ă  l’énergie ».  

Le forum va plus loin et lors de son Ă©vĂ©nement annuel prĂ©sentait au MusĂ©e du Quai Branly, le 28 novembre dernier, les rĂ©sultats d’une Ă©tude rĂ©alisĂ©e avec BVA sur le niveau de conscientisation des utilisateurs vis Ă  des consĂ©quences de leurs usages du numĂ©rique. Cette Ă©tude intitulĂ©e numĂ©rique et environnement  et ayant interrogĂ© plus de 30 000 personnes dans les 28 pays europĂ©ens ainsi qu’en Chine, en Afrique et aux États-Unis,  rĂ©vĂšle que si la moitiĂ© des europĂ©ens semble conscient des enjeux, cette part de la population reste trĂšs minoritaire (environ 20 % ) en Afrique dont les besoins en infrastructures et services sont croissants. 

De la mĂȘme maniĂšre un europĂ©en sur deux considĂšrent que le numĂ©rique n’est « ni un levier ni un frein » pour l’environnement. On se trouve ici dans une zone encore grise entre Ă  la fois les impacts de la consommation croissante de ressources vidĂ©o en ligne (streaming) par exemple, ou les nouveaux services en ligne permettant d’agir directement sur l’empreinte carbone, comme le co-voiturage ou toutes les solutions en faveur du recyclage et de l’économie circulaire. Une zone d’autant plus grise que ces mĂȘmes europĂ©ens (sentiment plus marquĂ© en Europe du Sud), et toujours selon la mĂȘme Ă©tude, ont « l’impression » Ă  82 % que le changement climatique « a une incidence sur leur vie quotidienne ».  

Des pratiques individuelles pour bien vivre le numérique et lutter contre le changement climatique 

Les solutions sont connues, mais comme le rĂ©itĂšre le Digital Society Forum le « passage Ă  l’acte Â», c’est-Ă -dire le changement dans nos usages reste difficile Ă  mettre en Ɠuvre, y compris dans les pays « occidentaux Â» a priori plus sensibilisĂ©s Ă  ces enjeux. 

Quels sont les leviers rapidement actionnables pour opĂ©rer le changement nĂ©cessaire ? Le recyclage effectif des appareils numĂ©riques en premier. Si une trĂšs grande majoritĂ© des citoyens europĂ©ens sont informĂ©s sur le recyclage, les pratiques sont encore limitĂ©es ; et ce d’autant que, toujours selon l’étude « numĂ©rique et environnement Â», environ 3 appareils numĂ©riques restent en moyenne non utilisĂ©s dans chaque foyer. 

Collectivement, nous sommes prĂȘts Ă  faire des efforts surtout quand notre confort n’est pas affectĂ©. Trier ses photos, vider sa boĂźte mail en archivant ses vieux messages soulagent les data center sans que nous perdions en confort d’utilisation, ce que font 76 % des espagnols par exemple. Nous sommes aussi prĂȘts Ă  Ă©teindre une box ou autre objet connectĂ© lorsque que nous sommes hors de notre foyer, mais sommes-nous prĂȘts Ă  des concessions plus importantes ? DĂ©bit internet plus lent ? Pas sĂ»r
.

Alors quels Ă©co-gestes pouvons-nous facilement adopter pour freiner la demande de plus en plus forte en ressources Ă©nergĂ©tiques ? Certaines actions, parfois trĂšs simples, comme prolonger la vie de ses Ă©quipements digitaux permettraient, par exemple, de modĂ©rer le besoin en terres rares pour fabriquer smartphones, tablettes et ordinateurs. Comment faire concrĂštement ? Ne pas renouveler ces appareils au bout de 2 ans, mais 4 ans en privilĂ©giant les labels europĂ©ens comme EPEAT, l’écolabel Nordique, l’Ange bleu ou encore la certification TCO. 

Pour un particulier cela peut ĂȘtre le choix d’un matĂ©riel reconditionnĂ©. Cette pratique a d’ailleurs Ă©tĂ© massivement adoptĂ©e par les jeunes gĂ©nĂ©rations, en tĂ©moigne le succĂšs d’opĂ©rateurs comme Back Market. 

Parmi les autres leviers facilement actionnables et dĂ©sormais bien connus :  s’équiper de prises multiples avec interrupteurs permettant de couper le courant quand nous n’avons pas besoin de ces appareils ; mettre son smartphone sur mode avion pour sauvegarder sa batterie et ainsi repousser la prochaine charge. 

Autre levier, pouvant rĂ©duire notre impact sur le climat via nos usages numĂ©riques : ne pas recourir Ă  moteur de recherche bien connu lorsque vous connaissez dĂ©jĂ  l’adresse du site que vous allez consulter ou qui est dĂ©jĂ  parmi vos favoris
. Vous pouvez aussi adopter des moteurs de recherches dits verts et des navigateurs qui consomment moins d’énergie. Ces derniers ne sont pas tous identiques et leur impact Ă©nergĂ©tique n’est pas le mĂȘme alors qu’ils rendent Ă  peu prĂšs tous le mĂȘme service comme le prouve une étude de l’ADEME.

Notre vie se digitalise et sauf Ă  faire figure de « collapsologue », cette tendance va s’accroitre. Si nous devons absolument maitriser notre consommation Ă©nergĂ©tique, nous pouvons aussi espĂ©rer que de nouvelles Ă©co-innovations nous aideront sous peu Ă  aborder le volet digital de notre vie plus sereinement. L’innovation n’est pas en panne dans ces domaines, du numĂ©rique « gĂ©nĂ©ral » aux Tech for good. Sans jamais ĂȘtre « techno baba », on peut imaginer que des solutions numĂ©riques seront un jour capables d’avoir un effet, sinon positif au moins neutre, sur l’environnement pour rendre Ă  homo numericus un avenir intelligent…plus soutenable et durable.Â