LâĂ©conomie reste le fait majeur
En juin 2015, je publiais sur mon blog un article au titre un peu provocateur : LâHomo Numericus va-t-il supplanter lâHomo Economicus ? Ce billet a rencontrĂ© un certain succĂšs et continue Ă ĂȘtre lu et partagĂ©. Le postulat Ă©tait le suivant : lâhomo numericus allait supplanter lâhomo oeconomicus sous peu. La digitalisation des Ă©conomies tant « occidentales » quâasiatiques ou encore africaines sâest effectivement accrue. En France, comme ailleurs, la dynamique des start ups est trĂšs orientĂ©e vers le « digital » avec de belles rĂ©ussites et mĂȘme des licornes. La raison dâĂȘtre de ces nouvelles entreprises est pourtant rarement en adĂ©quation avec les questions de responsabilitĂ© face Ă la sociĂ©tĂ© et Ă lâenvironnement. Bien heureusement les Tech for good sont elle aussi en progression et prĂ©sentent un bilan beaucoup plus en phase avec des impĂ©ratifs de soutenabilitĂ©.Â
Ceci Ă©tant dit il est parfois difficile pour ces innovations responsables de faire leur chemin et de trouver un business model en adĂ©quation avec les attentes des futures gĂ©nĂ©rations dâutilisateurs et consommateurs de ces solutions.
Numericus monte en puissance mais Economicus reste prédominant.
Climate Generation et Digital Age
2019 nous a fait entrer dans une nouvelle dĂ©cennie, celle de la climate generation. Au-delĂ de buzzword comme le OK boomer on voit un sentiment grandissant de questionnement vis Ă vis de nos actions et de nos usages. En tĂ©moignent tant lâattitude des consommateurs que le positionnement des marques vis-Ă -vis dâopĂ©rations comme le Black Friday.Â
On peut lĂ©gitiment questionner nos usages et la perception que les citoyens ont (ou non) des consĂ©quences de lâutilisation de solutions et dâappareils numĂ©riques au jour le jour. Câest ce Ă quoi sâattelle depuis 6 annĂ©es maintenant le Digital Society Forum, une des initiatives qui se veut proches du citoyen et impulsĂ©e par Orange. Le forum relĂšve que nos usages digitaux avoisinent les 6% de la consommation mondiale dâĂ©lectricitĂ©, soit « 3,5% des Ă©missions mondiales de CO2 liĂ©es Ă lâĂ©nergie ». Â
Le forum va plus loin et lors de son Ă©vĂ©nement annuel prĂ©sentait au MusĂ©e du Quai Branly, le 28 novembre dernier, les rĂ©sultats dâune Ă©tude rĂ©alisĂ©e avec BVA sur le niveau de conscientisation des utilisateurs vis Ă des consĂ©quences de leurs usages du numĂ©rique. Cette Ă©tude intitulĂ©e numĂ©rique et environnement et ayant interrogĂ© plus de 30 000 personnes dans les 28 pays europĂ©ens ainsi quâen Chine, en Afrique et aux Ătats-Unis,  rĂ©vĂšle que si la moitiĂ© des europĂ©ens semble conscient des enjeux, cette part de la population reste trĂšs minoritaire (environ 20 % ) en Afrique dont les besoins en infrastructures et services sont croissants.Â
De la mĂȘme maniĂšre un europĂ©en sur deux considĂšrent que le numĂ©rique nâest « ni un levier ni un frein » pour lâenvironnement. On se trouve ici dans une zone encore grise entre Ă la fois les impacts de la consommation croissante de ressources vidĂ©o en ligne (streaming) par exemple, ou les nouveaux services en ligne permettant dâagir directement sur lâempreinte carbone, comme le co-voiturage ou toutes les solutions en faveur du recyclage et de lâĂ©conomie circulaire. Une zone dâautant plus grise que ces mĂȘmes europĂ©ens (sentiment plus marquĂ© en Europe du Sud), et toujours selon la mĂȘme Ă©tude, ont « lâimpression » Ă 82 % que le changement climatique « a une incidence sur leur vie quotidienne ». Â
Des pratiques individuelles pour bien vivre le numĂ©rique et lutter contre le changement climatiqueÂ
Les solutions sont connues, mais comme le rĂ©itĂšre le Digital Society Forum le « passage Ă lâacte », câest-Ă -dire le changement dans nos usages reste difficile Ă mettre en Ćuvre, y compris dans les pays « occidentaux » a priori plus sensibilisĂ©s Ă ces enjeux.
Quels sont les leviers rapidement actionnables pour opĂ©rer le changement nĂ©cessaire ? Le recyclage effectif des appareils numĂ©riques en premier. Si une trĂšs grande majoritĂ© des citoyens europĂ©ens sont informĂ©s sur le recyclage, les pratiques sont encore limitĂ©es ; et ce dâautant que, toujours selon lâĂ©tude « numĂ©rique et environnement », environ 3 appareils numĂ©riques restent en moyenne non utilisĂ©s dans chaque foyer.
Collectivement, nous sommes prĂȘts Ă faire des efforts surtout quand notre confort nâest pas affectĂ©. Trier ses photos, vider sa boĂźte mail en archivant ses vieux messages soulagent les data center sans que nous perdions en confort dâutilisation, ce que font 76 % des espagnols par exemple. Nous sommes aussi prĂȘts Ă Ă©teindre une box ou autre objet connectĂ© lorsque que nous sommes hors de notre foyer, mais sommes-nous prĂȘts Ă des concessions plus importantes ? DĂ©bit internet plus lent ? Pas sĂ»râŠ.
Alors quels Ă©co-gestes pouvons-nous facilement adopter pour freiner la demande de plus en plus forte en ressources Ă©nergĂ©tiques ? Certaines actions, parfois trĂšs simples, comme prolonger la vie de ses Ă©quipements digitaux permettraient, par exemple, de modĂ©rer le besoin en terres rares pour fabriquer smartphones, tablettes et ordinateurs. Comment faire concrĂštement ? Ne pas renouveler ces appareils au bout de 2 ans, mais 4 ans en privilĂ©giant les labels europĂ©ens comme EPEAT, lâĂ©colabel Nordique, lâAnge bleu ou encore la certification TCO.Â
Pour un particulier cela peut ĂȘtre le choix dâun matĂ©riel reconditionnĂ©. Cette pratique a dâailleurs Ă©tĂ© massivement adoptĂ©e par les jeunes gĂ©nĂ©rations, en tĂ©moigne le succĂšs dâopĂ©rateurs comme Back Market.
Parmi les autres leviers facilement actionnables et dĂ©sormais bien connus : sâĂ©quiper de prises multiples avec interrupteurs permettant de couper le courant quand nous nâavons pas besoin de ces appareils ; mettre son smartphone sur mode avion pour sauvegarder sa batterie et ainsi repousser la prochaine charge.
Autre levier, pouvant rĂ©duire notre impact sur le climat via nos usages numĂ©riques : ne pas recourir Ă moteur de recherche bien connu lorsque vous connaissez dĂ©jĂ lâadresse du site que vous allez consulter ou qui est dĂ©jĂ parmi vos favorisâŠ. Vous pouvez aussi adopter des moteurs de recherches dits verts et des navigateurs qui consomment moins dâĂ©nergie. Ces derniers ne sont pas tous identiques et leur impact Ă©nergĂ©tique nâest pas le mĂȘme alors quâils rendent Ă peu prĂšs tous le mĂȘme service comme le prouve une étude de lâADEME.
Notre vie se digitalise et sauf Ă faire figure de « collapsologue », cette tendance va sâaccroitre. Si nous devons absolument maitriser notre consommation Ă©nergĂ©tique, nous pouvons aussi espĂ©rer que de nouvelles Ă©co-innovations nous aideront sous peu Ă aborder le volet digital de notre vie plus sereinement. Lâinnovation nâest pas en panne dans ces domaines, du numĂ©rique « gĂ©nĂ©ral » aux Tech for good. Sans jamais ĂȘtre « techno baba », on peut imaginer que des solutions numĂ©riques seront un jour capables dâavoir un effet, sinon positif au moins neutre, sur lâenvironnement pour rendre Ă homo numericus un avenir intelligent…plus soutenable et durable.Â