Un projet avant-gardiste de logement social écologique à Vienne

 

 

En 1979, 60 ans après la construction du premier logement social à Vienne et bien avant que l’on parle de smart city ou d’éco-quartier, l’architecte Joseph Krawina et l’artiste Fridensreich Undertwasser, furent chargés en 1979, d’élaborer conjointement les plans pour la réalisation d’un projet de logement social écologique. Le conseil municipal de Vienne souhaitait en effet un espace d’habitation conscient et respectueux de la nature, contrastant avec les quartiers préfabriqués privilégiés dans l’après guerre.

Les deux hommes voyaient, quant à eux, la possibilité de révolutionner le logement à vocation sociale.

L’architecte Krawina fit encore preuve de véritable précurseur, en élaborant un concept général d’empreinte biologique, qui n’est pas sans faire penser à l’empreinte écologique qui deviendra un indicateur reconnu plus d’une décennie plus tard. Il rédigea alors le programme ci-dessous en 10 points, dans lequel il définit les caractéristiques fondamentales de ce qu’il entendait par quartier social écologique qu’il résume par cette phrase vibrante de clairvoyance :

Un maximum de surfaces vertes doit s’accompagner d’un maximum de contacts sociaux

(Joseph Krawina, Der Spiegel 1982).

Parmi les éléments indispensables à la dimension écologique, Krawina mentionne l’utilisation des matériaux de construction biologiquement sains tels que des briques pour les murs et les plafonds, du bois pour les portes, les fenêtres et les sols, ainsi que l’emploi de colles, peintures et liants naturels. Il propose des isolants spéciaux à faible consommation énergétique, des pompes thermiques (pour l’alimentation en eau chaude des cuisines et des  salles de bain) et un système d’eau potable propre au bâtiment, permettant d’arroser les jardins sur les terrasses avec l’eau de pluie collectée dans des citernes. La végétalisation des toitures et des toits est également partout présente.

Avec, là encore, un coup d’avance, les préceptes de l’économie circulaire furent mobilisés. Citons l’intégration d‘une partie de l’ancien édifice dans la construction du nouveau, les mosaïques de la façade réalisées avec les restes de carrelages et à différents endroits du sol on reconnaît même des fragments d’anciennes pierres tombales.

Un travail fut également fait pour remodeler un incinérateur. Du fait de ses émissions de gaz nocifs, la centrale thermique de Spittelau était en effet contestée par la population Viennoise dès sa mise en service en 1971. En 1987, l’installation fut dotée d’une technologie environnementale moderne, avec incinération des déchets, et Friedensreich Hundertwasser conçut, quant à lui, l’aspect extérieur de la construction, obtenant le consensus des citoyens en faveur de la centrale thermique qui devint une oeuvre d’art !

Du point de vue de la dimension sociale, l’architecte a attribué une grande importance à la participation des locataires et aux possibilités de cultiver les contacts sociaux. C’est pourquoi il a conçu, dans le quartier,  une série d’équipements à usage commun, notamment une salle de jeux pour enfants, une piscine avec sauna, un jardin d’hiver, des salles de sport et des espaces de loisir ainsi que des cafés et des locaux à usage commercial.

À y voir, comme j’ai pu le constater, le nombre de touristes éberlués devant cette œuvre gigantesque (achevée en 1987) et à y côtoyer les habitants a priori ravis et ne souffrant pas de ce flot de curieux,  grâce au prodige de la conception de ce quartier, on peut s’étonner de la résistance bornée de beaucoup trop de décideurs locaux et d’aménageurs à ne pas prendre de telles réussites pour modèles. En effet, si le coût, légèrement inférieur au double du coût d’un logement social traditionnel, peut être considéré comme trop élevé par des financiers, il s’agit en réalité d’un bien mauvais calcul. Car même du point de vue de la dimension économique, sur le long terme il s’agit en fait d’une aubaine : absence de vandalisme et de problème de sécurité, gain énergétique, amélioration sanitaire, meilleurs résultats scolaires, vie économique local, etc….

A ce propos réfléchissons à ce texte écrit en 1991 par Friendensreich Hundertwasser

« C’est notre devoir de ramener sur notre toit la nature que nous détruisons en bâtissant des maisons. Il faut redonner à la nature les territoires que nous lui avons usurpés. La nature que nous mettons sur le toit est le morceau de terre que nous avons tué en y plaçant une maison. Les toits de verdure présentent des avantages pour l’écologie, la santé, et les techniques thermiques. Un toit de verdure produit de l’oxygène et rend la vie possible. Il absorbe la saleté et la poussière et transforme la terre. Le corps et l’âme des êtres humains s’y sentent à l’aise, que ce soit ceux qui les regardent et ceux qui vivent en dessous. Autre avantage des toits de verdure, l’effet isolant contre le bruit. Les toits de verdure produisent calme et paix. Ils protègent des influences néfastes de l’environnement, des irradiations et du feu. Même l’eau peut être ainsi purifiée; en passant par la couche d’herbe, elle est plus pure qu’avant. Il ne faut pas non plus sous-estimer l’aspect financier, puisqu’un tel toit sert de régulateur climatique en hiver en économisant du combustible et rafraîchit l’été ».Hundertwasser, Avril 1991.

Et retrouvons nous au CNAM pour le nouveau master Management de la construction durable et des écoquartiers !