Développement durable, RSE et compétitivité : qu’attendons nous ?

 

 

la RSE procure un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13% par rapport aux entreprises qui ne la mobilisent pas

Principales actrices de l’économie, les entreprises sont interpellées pour participer aux solutions de lutte contre le changement climatique. La « décarbonisation » de l’économie ne pourra pas se faire sans elles ! Leur rôle a d’ailleurs été crucial lors de la préparation de la COP 21.

Au moment où il s’agit de mettre en œuvre les décisions de l’accord Paris, il est important de se pencher sur le lien existant entre Développement Durable, RSE et Compétitivité.

Rappelons que la Responsabilité Sociale (ou sociétale) des Entreprises (RSE), n’est autre que l’engagement des entreprises vis à vis du développement durable qui s’est formalisé à la fin des années 1980. De ce fait, la RSE doit bien prendre en compte l’ensemble des dimensions du DD : économique, sociale (sociétale) et environnementale.

Plusieurs travaux sont sortis depuis le début de l’année 2016 sur cette question. Le plus complet est sans conteste le rapport gouvernemental (sous la responsabilité du Commissaire général France Stratégie) intitulé « Responsabilité Sociale des entreprises et compétitivité. Evaluation et approche stratégique » de Salima Benhamou et Marc Diaye et publié chez France Stratégie en janvier 2016. Il s‘agit d’une étude portant sur 8500 entreprises françaises, incluant les PME, qui analyse le lien entre la performance économique des entreprises et la RSE (avec une comparaison Régionale). Ce travail aborde bien, ce qui est rare, la RSE dans toutes ses dimensions constitutives comme évoqué ci-dessus.

Une des conclusions de ce travail est édifiante : la RSE procure un gain de performance en moyenne de l’ordre de 13% par rapport aux entreprises qui ne la mobilisent pas. Pourtant encore peu d’entreprises mettent en œuvre des stratégies de RSE. Ce travail offre aussi des pistes pour une stratégie française axée sur la RSE.

Il me paraît, à ce stade, utile de revenir sur un certain nombre de questions portant sur ce sujet Compétitivité , DD et RSE, qui avait été débattues au niveau académique, politique et des entreprises depuis les années 1990, sans jamais vraiment occuper le devant de la scène. Mais la situation a changé, profitons en pour en débattre.

A l’occasion du Sommet de Davos en 1999, Kofi Annan invitait formellement les entreprises à respecter et à promouvoir les grands principes internationaux en matière de développement Durable en adhérant notamment au Pacte Mondial.

Cette application, va se faire au travers de leur stratégie de responsabilité sociale (au sens de sociétal), qui n’est, d’ailleurs, pas un concept nouveau : on y faisait référence dès le début du XX eme siécle pour qualifier les bonnes pratiques patronales, notamment vis-à-vis des employés.

Par ailleurs, dès le milieu des années 1990, la notion de stratégie « win-win » (certains parlent de double dividende) s’est fait jour à travers les travaux académiques de Porter & Van der Linde (Porter M.E., van der Linde C., “Toward a New Conception of the Environment – Competitiveness Relationship”, Journal of Economic Perspectives, 9(4), pp. 97-118, 1995).

De ce point de vue, il y a non seulement compatibilité, mais également stimulation entre DD, RSE et compétitivité. La nécessité, ou plus exactement la perception en termes de contraintes qui prévalait encore dans les années 1980 à l’égard du développement durable du point de vue des entreprises, se convertit alors peu à peu à la fin des années 1990 en vertu.

En affirmant leur responsabilité sociétale et en contractant de leur propre initiative des engagements allant au-delà des exigences réglementaires dans bien des cas, les entreprises s’efforcent de répondre aux attentes émanant de toutes leurs parties prenantes : employés, investisseurs, consommateurs ; fournisseurs, société civile, etc…Cette démarche obéit aux principes de la gouvernance concertative qui est au cœur du Livre Vert de la Commission Européenne qui a promu un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises (18 juillet 2001).

Le besoin de fournir aux entreprises des moyens d’assumer leur responsabilité sociale a donné lieu au développement d’une trousse à outils allant des normes aux rapports de RSE en passant par les codes de conduite, les approches d’éco-conception, la construction d’indicateurs ou encore d’indices s’adressant à des investisseurs responsables

De nombreux travaux, déjà anciens,[1] ont montré que le positionnement et la stratégie de RSE peuvent prendre quatre grandes configurations

  • L’entreprise délictuelle avec une stratégie défensive fait fi des exigences écologiques et sociales au risque de basculer dans l’illégalité.
  • L’entreprise conforme avec une stratégie de suivisme respecte ses obligations juridiques mais sans anticiper les nouvelles exigences.
  • L’entreprise chef de file déployant une stratégie pro-active se fixe des objectifs élevés de responsabilité environnementale et sociétale, et utilise sa performance extra-financière comme facteur distinctif inhérent à son image de marque.
  • L’entreprise écologique (éco-entreprise) et/ou sociétale (entreprise sociale et solidaire) avec une stratégie de niche définit sa mission au regard des impératifs écologiques et/ou sociétaux et aligne sa gestion interne sur les grands principes de DD.

Pourtant, nombre d’auteurs, de travaux et de regroupement d’entreprises (tels que le World Business Council for Sustainable Development) ont insisté, dès les années 1990, sur le fait que les stratégies pro-actives de RSE bien formulées pouvaient induire un certain nombre d’avantages.

  • Une meilleure rentabilité et une réduction des coûts de fonctionnement, via par exemple, l’éco-efficience.
  • La capacité à attirer et retenir les bons employés et…à améliorer la productivité du travail.
  • L’amélioration de la réputation.
  • L’anticipation juridique et réglementaire.
  • Le moteur à l’(éco)-innovation.

Alors ce rapport de France Horizon arrive point nommé car il nous offre, en 2016, la démonstration, par le terrain, en France et sur un très grand nombre d’entreprises, que les hypothèses et analyses de beaucoup de travaux depuis les années 1990, que loin d’être des freins, les impératifs du Développement Durable peuvent revitaliser la croissance économique mondiale, si bien que la « modernisation écologique », dont la décarbonisation fait partie, participe à la compétitivité d’une économie et des entreprises. Et je ne peux résister à citer cette phrase tirée du G20, avril 2009, au lendemain des crises financières qui avaient secoué le monde

« L’économie de demain sera inclusive, verte et soutenable (…) la crise est une opportunité pour accélérer la nécessaire transition vers cette économie »

Alors, qu’attendons nous pour la propulser ?

 

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– Faucheux S., Nicolaï I., 1998, ‘Les firmes face au développement soutenable : changement technologique et gouvernance au sein de la dynamique industrielle’, Revue d’Economie Industrielle, n°83, pp. 127-146.

  • – Faucheux S., Nicolaï I., 204, “La responsabilité sociétale de l’industrie européenne de l’aluminium face à un besoin d’indicateurs. Une proposition de méthodes et de systèmes de reporting”, (en collaboration avec I. Nicolaï), Nature Sciences Société, n°12, pp 30-41
  • Faucheux S., Gowdy J et Nicolaï I (eds), 1998, Sustainability and firms: technological change and the changing regulatory environment, Edward Elgar, Cheltenham.