L’agriculture intelligente, socle de la Smartcity

Du 21 février au 1 er Mars 2015 se tient le Salon annuel de l’agriculture à Paris, sous le leitmotiv, une « agriculture en mouvement ». Pourquoi, l’année de la #COP21, n’avoir pas fait preuve de davantage d’audace en parlant d’une agriculture éco-innovante en soutien à la « durabilité » des villes ?

Le Président de la République a d’ailleurs parfaitement pris conscience de l’enjeu que représente l’éco-innovation dans le secteur agricole lorsqu’il déclare, dans une interview à Agra Presse : « Je veux proposer une stratégie de recherche agricole qui mettra l’accent à la fois sur la compétitivité et sur l’environnement »

La France est passée à côté d’un certain nombre d’opportunités issues du secteur agricole à destination des grandes villes et notamment de la Région Île-de-France. Première région urbaine de France, il s’agit aussi d’une grande région rurale et agricole avec un bassin permanent de 12 millions de consommateurs (habitants et touristes) qui expriment de nouvelles attentes en termes de produits de proximité et de cadre de vie. C’est également une région qui pourrait voir émerger et se consolider des éco-innovations et de nouveaux marchés compétitifs reposant sur l’agriculture : biomatériaux, bioénergies, chimie verte….ou encore circuits courts

La croissance urbaine constitue un défi majeur car, faute d’être maîtrisée, elle peut engendrer des dysfonctionnements et des crises tant sur le plan social qu’environnemental. Les villes concentrent l’essentiel de la population humaine, de l’activité économique et politique ou encore des services sociaux, sportifs et culturels. Elles centralisent la majeure partie des flux de ressources, notamment énergétiques. Les territoires doivent d’urgence anticiper et s’adapter en augmentant leurs capacités à satisfaire eux-mêmes leurs besoins énergétiques. C’est pourquoi, le développement des bioénergies est devenu indispensable à un territoire tel que l’Ile de France afin d’atteindre les objectifs retenus par la loi de Transition Énergétique en matière d’énergies renouvelables à l’horizon 2020.

Force est de constater qu’aujourd’hui, notamment en Île-de-France, le gisement de la biomasse est présent mais n’est pas exploité. Pourtant, l’utilisation des bioénergies représente une alternative énergétique attractive permettant une réduction des coûts, une meilleure gestion des déchets et une baisse des émissions de gaz à effet de serre. En d’autres termes, elles constituent une alternative idéale pour le chauffage des usines et des bâtiments commerciaux ou pour les réseaux de chaleur des quartiers urbains. Elles peuvent être également utilisées pour les transports. Ainsi, soutenir les bioénergies dans les territoires ruraux jouxtant les grandes villes s’inscrit parfaitement dans les priorités de la transition énergétique et peut constituer une vitrine pour l’agriculture française au moment où tous les yeux sont braqués sur la France et ses solutions pour la #COP21.

Dans cette perspective, un projet européen tel que BioenNW (de près de 8 millions d’euros) sur 2012/2015 pourrait être valorisé. Celui-ci vise à déployer les bioénergies dans le Nord Ouest de l’Europe, par la mise en réseau des compétences, en collaborant avec des laboratoires et spécialistes des bioénergies, en partageant des retours sur expériences et en opérant des veilles réglementaires. Des centres de soutien pour les Bioénergies (BSC) ont été créés dans chacune des régions participant au projet, dont la Région Île-de-France qui bénéficie ainsi d’un centre de ressource, dans l’axe seine des Yvelines, sur le territoire de l’OIN Seine Aval, aux Mureaux : le centre de ressources francilien sur les bioénergies des Mureaux, inauguré en 2012. Des ateliers de formation et de présentation de nouveaux procédés, des portes ouvertes et des conférences sont organisés pour les collectivités, les entreprises et les acteurs souhaitant utiliser les différentes techniques liées à la production de bioénergies. Il s’agit aussi d’une magnifique occasion pour drainer une dynamique d’investissements promouvant l’entreprenariat (y compris l’entreprenariat social) sur ces territoires. En effet, l’accompagnement des processus de collaboration et d’innovation pour améliorer les procédés (comme la méthanisation et le bois-énergie) permet à la fois de mieux gérer l’énergie (réseaux de chaleur, parcs tertiaires, etc…) et d’offrir des opportunités de création d’entreprises génératrices d’emplois locaux. A titre d’exemple, à Étampes, où a été expérimentée à petite échelle une telle filière énergétique pour chauffer des logements et des bâtiments d’entreprises, cinq emplois nouveaux viennent d’être créés. Il est d’ailleurs à noter que de plus en plus de secteurs d’activité font appel à l’utilisation de biomasse : l’énergie (productions d’énergie thermique et électrique, carburants), la chimie (solvants, lubrifiants)…) ou encore les matériaux (construction, emballage, etc…).

Il est alors impératif de ne pas mobiliser uniquement les organismes de recherche pour préparer le plan « Agriculture Innovation 2025 », comme le déclare le Président de la République. Il s’agit aussi d’impliquer les établissements d’enseignement pour proposer des formations permettant de couvrir le besoin d’emplois par l’apprentissage des nouvelles compétences associées. De la même façon il est indispensable, pour convertir les usagers à l’utilisation de cette énergie renouvelable, de proposer une information et une communication adéquate en mettant en avant les bénéfices en termes d’économies et d’amélioration de la dimension environnementale (réduction des particules et des émissions de GES).

Un sujet comparable de « circuit court » est celui des AMAP faisant appel aux agriculteurs locaux et recréant un lien entre les consommateurs et les producteurs tout en redynamisant les activités de ces derniers en faisant émerger de nouveaux débouchés pour leurs produits. Sur le seul bassin francilien, l’AGRESTE a chiffré à plus de 50% les pertes de terres agricoles entre 1988 et 2010. L’alimentation durable des populations urbaines va devenir un des enjeux majeurs de nos sociétés et la disparition vertigineuse des exploitations agricoles près des grandes villes n’est pas sans poser question. Nous risquons de basculer vers la non soutenabilité de nos villes si nous n’y prenons pas garde car les coûts économiques, sociaux et environnementaux pour les alimenter risquent de devenir problématiques. Ainsi, des projets comme celui de Compass Group France, visant à couvrir les besoins de l’ensemble des restaurants d’entreprises (Eurest) et de ses cantines scolaires (Scolarest) en produits locaux ; de saison, et issus d’une agriculture raisonnée en circuit court méritent-ils aussi d’être connus, soutenus et démultipliés.

De la même façon qu’attend-on pour encourager, en Ile de France, l’utilisation de produits agricoles (ex le chanvre) comme matériaux d’isolation efficace énergétiquement et totalement recyclable ?

Seules de telles initiatives permettent non seulement, de mieux maintenir l’agriculture en amont et en aval en Ile de France et plus largement en France ; mais surtout d’être innovant, de créer de l’activité, de l’emploi et d’être exemplaire du point de vue des enjeux de la transition énergétique.

Il n’y aura pas de smart city sans territoires intelligents reposant sur une vision renouvelée et intelligente de l’agriculture.

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