La crise provoquée par la pandémie du Covid 19 avec la généralisation mondiale du confinement est certes sanitaire; mais elle est aussi économique. Son ampleur et sa mondialisation en font un évènement exceptionnel. Avec devant nous de probables crises climatiques, voire celle de la biodiversité ou même sociales il est probable que de telles situations soient amenées à se répéter. D’où la nécessité d’une transformation de notre modèle économique mondiale; et cela avec la contrainte d’un calendrier serré.
C’est pourquoi nous devons tirer les enseignements de cette crise et nous interroger sur des pistes de construction d’un New Deal Mondial, qui ne peut qu’être Vert.
La RSE : le nouveau business model clé des entreprises ?
En 2019, la montée des exigences RSE était déjà sensible pour répondre au défi climatique et aux attentes de l’opinion publique internationale, notamment des jeunes générations.
Face à la crise du Covid les entreprises ont beaucoup de leçons à tirer pour progresser sur leur responsabilité d’entreprise, leur RSE. Celle-ci leur a permis de mesurer leurs capacités de résilience, de gestion du risque et d’agilité.
Elles peuvent repenser, grâce à ces enseignements, leur fonctionnement, leur capacité à anticiper et gérer les crises, leur responsabilité vis-à-vis de leurs parties prenantes, au sein de la société et leur raison d’être. Il faut aller plus loin que les plus vertueuses, qui finalement n’étaient pas suffisamment préparées à une réorganisation généralisée du travail et n’avaient pas anticipé les risques sur leur chaine d’approvisionnement.
Pour ce qui est de la réorganisation du travail, il faut discuter avec ses parties prenantes et plus exactement ses parties constituantes qui participent au processus de création de valeur, établir une relation de confiance et bannir définitivement les organisations verticales qui dominent encore au sein de nos organisations, en dépit des meilleurs cours de management dispensés depuis plus de 20 ans dans toutes les universités et écoles de commerce du monde.
Lorsque le confinement est arrivé, on a pu mesurer que les entreprises où les salariés sont les plus engagés dans une culture et des valeurs partagées avec des pratiques de management basées sur la confiance, la capacité à réagir et à s’adapter a été plus simple que dans les autres. La confiance, indispensable pour le travail à distance s’est alors plus facilement installée.
Et cela est d’autant plus important pour résister aux prochaines crises, qu’il apparaît qu’avec une partie de la population travaillant sans se déplacer en voiture, les émissions de CO2 régressent ainsi que d’autres pressions environnementales.
En ce qui concerne la chaîne d’approvisionnement, davantage de ressources doit être consacré à l’identification des risques sur les chaines d’approvisionnement, en finir avec le « just on time » pour constituer des stocks stratégiques et les fournisseurs doivent être véritablement intégrés à la stratégie globale.
Cette crise met les entreprises face à leur utilité sociale et accorde de la visibilité à des valeurs comme le contact humain, le soin, la bienveillance, la confiance. Elles sont alors invitées à mettre en œuvre leur business model en pensant leurs impacts (négatifs et positifs), d’abord envers leurs salariés et actionnaires, puis leurs relations d’affaires, enfin la société.
Le bouleversement de la finance
Selon Philippe Dessertine, l’effondrement de la finance et sa reconstruction sur de nouvelles bases constituent l’une des principales conséquences de la crise économique provoquée par le Covid-19. Si les banques sont les premières victimes de l’effondrement des cours, les prochains seront les épargnants. Les apports colossaux de liquidités par les autorités monétaires pour compenser les pertes de chiffres d’affaires, pour le paiement des salariés ou pour pallier aux faillites ne peuvent pas s’éterniser. La finance responsable qui ne faisait qu’émerger il y a encore un an, doit devenir l’approche dominante à l’échelle mondiale si l’on veut éviter le chaos économique et répondre aux attentes des populations en faveur d’un nouveau modèle de développement durable. Le Green Deal, à plus de mille milliards d’euros, annoncé par l’Union Européenne, à la veille de la crise du COVID, permet de se faire une idée de l’effort de financement pour construire le monde demain. Beaucoup d’investisseurs ne s’y trompent pas et commencent à se réorienter vers des fonds verts et éthiques.
La future bulle carbone
Selon une étude de Lazard datant de novembre 2018, dans moins de 10 ans les énergies solaires et éoliennes seront bien meilleures marché que les énergies fossiles, ce qui obligera à une épreuve de force avec l’industrie des combustibles fossiles. Beaucoup de secteurs clés comme les TIC, les Télécom, l’internet, le bâtiment, l’alimentation ou encore la mobilité, ont commencé à se séparer de l’industrie des combustibles fossiles pour adopter les énergies vertes de moins en moins chères.
En novembre 2018, la société de conseil Lazard a publié un rapport comparant le coût des énergies fossiles à celui des énergies vertes. Il indique que dans certains cas les coûts de “l’énergie alternative ont diminué à tel point qu’ils sont désormais au niveau de, ou inférieur aux coût marginal de la production classique… ». Nous avons atteint un point d’inflexion où, dans certains cas, il est plus rentable de maintenir les centrales de production déjà existantes.
Résultat un montant colossal d’actifs carbone pourraient être bloqués à cause du carbone, ce qui fait dire à Rifkin (2019) que la bulle carbone est la plus grosse bulle de l’histoire de l’économie.
Vers un capitalisme responsable ?
Après cette transition qui sera plus ou moins critique en fonction des capacités à anticiper et à réagir des acteurs économiques et politiques, la phase d’investissement viendra en faveur d’un New Deal Vert et éthique.
La décision de nombreux fonds de se désengager des industries fossiles pour réinvestir dans une économie verte signale l’avènement des Investissements Socialement Responsables et l’ère d’un capitalisme responsable. Si l’on en croit Philippe Dessertine. « La finance éthique et responsable qui pouvait passer comme une douce utopie, ou au mieux comme un phénomène relativement marginal, est appelé à devenir l’approche dominante à l’échelle mondiale ». Cette dernière appelle de nouvelles manières d’évaluer la performance qui fera intervenir des indicateurs d’impacts économiques, environnementaux et sociétaux qui sonneront le glas des pratiques encore actuellement dominante. Le chemin d’un nouveau capitalisme, responsable cette fois, est ouvert . Saurons nous l’emprunter ?