Lâaccord de Paris : du story telling au story making
Nous nous sommes tous enthousiasmĂ©s pour lâaccord de Paris et cette #cop21 qui restera comme un jalon dans lâhistoire, dĂ©jĂ longue, des COP. En dĂ©cembre 2015 jâĂ©crivais que cet accord nâĂ©tait quâune Ă©tape pour prĂ©parer la COP 22 et que cette COP 21 et lâaccord de Paris devaient crĂ©er les conditions dâun investissement massif en faveur du dĂ©ploiement des solutions dĂ©carbonĂ©es au niveau mondial. Câest sans doute le seul moyen de contenir le rĂ©chauffement de la planĂšte Ă + 2°C.
La COP 25, initialement prĂ©vue Ă Santiago et dĂ©placĂ©e en Espagne Ă cause de la situation politique plus que prĂ©occupante au Chili, a dâores et dĂ©jĂ une histoire singuliĂšre. Câest aussi une COP que lâon semble moins « moquer » que les COP 22 Ă 24 qui, disons-le, nâont pas Ă©tĂ© celles dâune mobilisation forte des Ătats signataires comme cela a Ă©tĂ© le cas pour la COP 21 et lâaccord de Paris. Moins moquĂ©e donc car les alertes significatives des scientifiques du GIEC et la croissance des prĂ©occupations liĂ©es au changement climatique semblent avoir franchi un cap. Cette COP 25 apparaĂźt comme une sorte de rĂ©pĂ©tition gĂ©nĂ©rale avant celle de Glasgow lâan prochain oĂč les Ătats devront prĂ©senter des plans nationaux pour lutter contre le changement climatique. Cette fin dâannĂ©e a aussi vu une inflexion particuliĂšre de la toute nouvelle Commission EuropĂ©enne, Ă lâinitiative dâUrsula von der Leyen, pour non plus seulement sâalarmer sur le changement climatique mais sâengager (enfin) en faveur dâune rĂ©duction de 55 % des Ă©missions de GES dâici Ă 2030.Â
La COP 25 pourrait donc marquer la fin dâun story telling bien pratique pour reporter Ă une date ultĂ©rieure les actions Ă mettre en place par les diffĂ©rentes instances politiques et voir lâĂ©mergence, Ă la demande des citoyens, dâun discours de preuves, celui des actions concrĂštes mises en place (story making).
Quelles actions concrĂštement avant la COP 26 de Glasgow ?Â
Pour la COP 26 les Ătats devront prĂ©senter chacun des plans de rĂ©duction des Ă©missions de GES (gaz Ă effet de serre). Les contributions dĂ©terminĂ©es au niveau national (CDN) seront au cĆur des discussions notamment sur le rĂ©Ă©chelonnement du prix du carbone. En effet les marchĂ©s internationaux du carbone devraient voir leurs rĂšgles modifiĂ©es sans quâon sache encore quelle sera lâampleur de lâaugmentation du prix de la tonne de carbone. Ce dernier aura-t-il un effet de seuil sur les modes de productions, les comportements et nos usages, comme pour le numĂ©rique ?  à ce jour seules les Iles Marshall ont rendu leur copie sur les CDN, car directement menacĂ©es ?
La COP 25 ambitionne Ă©galement de pouvoir sâattaquer au financement des « pertes et prĂ©judices », câest-Ă -dire des impacts directs du changement climatique qui nous ne pourrons pas ou plus contourner. On pense ici Ă lâĂ©lĂ©vation du niveau des mers et Ă la disparition dâune partie du territoire Ă©mergĂ© de certaines nations.  Des nations, souvent en dĂ©veloppement, qui reprĂ©sentent moins de 10 % des Ă©missions de GES et pĂšsent peu face aux pays dĂ©veloppĂ©s responsables de la quasi-totalitĂ© de ces Ă©missions. Comment rendre rĂ©silients les pays face au changement climatique ? Sur ce point, on attend beaucoup du « vieux » continent pour donner lâexemple. Est-ce que la nouvelle Commission EuropĂ©enne et ses engagements seront suffisants et bien reçus par un public citoyen qui souhaite plus de radicalitĂ© dans les dĂ©cisions ?Â
Si ces chantiers « techniques » sont concrets pour les dĂ©lĂ©guĂ©s de la COP 25, leurs rĂ©sultats ne seront tangibles que dans plusieurs annĂ©es. Alors quelles actions pouvons mettre en place dĂšs ce jour afin de sâinscrire dans une logique de transition globale ?
#timeforaction vs innovation? Stand by the innovators !
Diverses propositions sont faites dans le cadre de la COP 25 ou en dehors pour rĂ©pondre Ă deux grands questionnements : comment rĂ©duire individuellement et collectivement les Ă©missions de GES et quelles solutions plus systĂ©miques pour lâenvironnement (ocĂ©ans, bio diversitĂ© etc..) imagine-t-on ?
Le slogan #timeforaction est aussi un appel Ă agir individuellement et selon ses moyens pour favoriser la baisse des Ă©missions : rĂ©novation thermique du bĂąti, achat dâun vĂ©hicule Ă©lectrique, covoiturage, logements plus modĂ©rĂ©ment chauffĂ©s, utiliser des vĂ©los pour les transports urbains, adopter des pratiques alimentaires qui tendent vers le rĂ©gime vĂ©gĂ©tarien. Parfois formulĂ©es sous forme dâinjonctions, auprĂšs notamment de la population française, ces Ă©co-pratiques ont lâambition de faire passer lâempreinte carbone de chacun dâenviron 10 tonnes en 2017 Ă 2 tonnes en 2050.
Comme je le mentionnais dans un autre billet, lâadoption de ces nouvelles pratiques et usages sera-t-elle massive car elles questionnent directement notre confort quotidien et le digital en premier ? La question de la place du nuclĂ©aire dans la transition Ă©nergĂ©tique du vieux continent sera dâailleurs dĂ©battue Ă lâoccasion de cette COP 25.
Cette COP 25 est aussi lâoccasion de mettre en avant des innovations qui pourront, entre autres, amĂ©liorer la protection et la rĂ©silience des ocĂ©ans. On imagine des solutions de fertilisation des ocĂ©ans (qui feraient de ces derniers des immenses puits carbone !) par dĂ©pĂŽt de fer soluble en surface qui favorisera dans un premier temps le dĂ©veloppement du plancton qui lui-mĂȘme et dans un second temps en capacitĂ© de capturer du CO2.
Afin de ralentir le phĂ©nomĂšne de monter des eaux, des solutions sont imaginĂ©es pour prĂ©server et dĂ©velopper la vĂ©gĂ©tation cĂŽtiĂšre qui a souvent subi un recul face Ă lâurbanisation de ces zones.
De lâindividuel au collectif & systĂ©mique les propositions sont nombreuses. Je mâinterroge sur la faible reprĂ©sentation des Ă©co-innovations dans les solutions envisagĂ©es pour maĂźtriser le rĂ©chauffement climatique et participer Ă la rĂ©duction des Ă©missions de GES. Lâurgence est considĂ©rĂ©e comme absolue et une confiance trĂšs modĂ©rĂ©e est accordĂ©e aux porteurs dâinnovations. Sans jamais vouloir minorer ce que la gĂ©nĂ©ralisation de comportements individuels pourra apporter dans la lutte contre le changement climatique, il est important de garder une certaine foi dans notre capacitĂ© Ă innover. Innover, mais avec comme principe la responsabilitĂ© selon lâacception du philosophe allemand Hans Jonas : « agis de façons que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence dâune vie authentiquement humain sur terre ».  Les éco-innovations, quâelles soient intĂ©grĂ©es, radicales (et donc avec un changement immĂ©diat de nos modes de vie) ou encore dans une logique de substitution dâun service Ă un produit sont loin dâavoir Ă©puisĂ© tous leur potentiel. Il serait bon de ne pas les oublier dans une lutte active et efficace contre le changement climatique.Â