8 confĂ©rences dans 4 mĂ©galopoles pour le mois Franco-Chinois de l’environnement
J’ai été invitée pour une mission en Chine par l’Ambassade de France en Chine dans le cadre du « Mois Franco-Chinois de l’Environnement » du 13 au 22 octobre 2019.
J’ai donnĂ© 8 confĂ©rences suivis de dĂ©bats dans 4 grandes mĂ©galopoles (PĂ©kin, Changsha, Shenzhen, Canton)  face Ă des publics variĂ©s : universitaires et chercheurs, Ă©tudiants, lycĂ©ens, grand public et consuls d’une cinquantaine de pays.Â
Mes interventions, en français ou en anglais, ont bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une traduction en chinois et duraient en moyenne une heure avec une demi-heure, voire une heure de questions. Le thème principal Ă©tait les enjeux des Smart Cities pour le DĂ©veloppement Durable avec des focus sur les transitions digitales et Ă©nergĂ©tiques.Â
La Chine déploie des smart cities quand le reste du monde y réfléchit
Mais ce qui a été un choc pour moi qui n’était pas revenue en chine depuis 3 ans, c’est la rapide mise en action partout en Chine de la construction de des Smarts Cities et les avancées étonnantes que j’ai pu constater en quelques années dans plusieurs grandes villes, y compris Pékin.
En Chine, les villes sont vraiment repensées selon un nouveau paradigme à l’interface des transitions écologiques et digitales, avec des éco-innovations digitales touchant tous les secteurs : de la mobilité à la gestion des déchets ; de la logistique aux transports individuels et collectifs, de la construction à la gestion des bâtiments, de la protection des espaces publiques à la sécurité des personnes, etc…
Des rĂ©sultats concrets d’un point de vue environnemental
Première surprise dans les quatre villes où je me suis rendue : tous les deux roues et les véhicules de services sont désormais électriques ainsi qu’une très grande partie de la flotte automobile ; les espaces verts sont de plus en plus nombreux partout, les pistes cyclables sont spacieuses avec des systèmes de vélo et d’auto-partage faciles d’accès grâce à une application unique qui sert aussi pour un grand nombre de services, y compris de paiement généralisé ; un grand nombre de bâtiments intelligents notamment sur les campus d’université comme Beida à Pékin ou Sustech à Schenzhen…. Le résultat de tous ces dispositifs est bien tangible si j’en juge par le ciel de pékin qui était bien visible et bleu en comparaison avec une atmosphère visiblement polluée il y a seulement 5 ans !
Mégalopoles et 4ème révolution industrielle
En 2017, le Commissaire Européen pour l’Energie tenait ces propos, « La quatrième révolution industrielle est en marche en même temps que la plus rapide urbanisation de l’histoire humaine ; Cela permet à nos villes de ne plus être des centres de pollution et de congestion et de nous orienter vers des villes intelligentes, des services adaptés » pourraient parfaitement être ceux de représentants chinois aujourd’hui.
Il y a dix ans on comptait une dizaine de smart cities dans le monde, aujourd’hui plus de 1000 smart cities sont achevées ou en cours de développement. L’Asie se trouve indiscutablement en pointe avec plus de 500 projets en Chine et 100 en Inde ; des chiffres à comparer aux 40 projets nord américains, 90 en Europe et 15 au Japon.
Exemples de Smarts cities dans le Monde : DubaĂŻ, Milton Keynes, Southampton, Londres, Amsterdam, Issy les Moulineaux, La Rochelle, Barcelone, Madrid, Bilbao, Helsinki, Vienne, Stockholm,  New York, Chicago, La Marsa, Moscou,  Rio de Janeiro, Sao Paulo, Shenzhen, Qingdao….Â
Cela étant les facilités sont plus grandes pour construire des Smart Cities en Asie aujourd’hui, et demain en Afrique, puisqu’on peut y créer des villes ex nihilo contrairement à notre vieille Europe ou même aux États-Unis où les villes existent déjà et où les seules marges de manœuvre sont des requalifications et des créations de nouveaux quartiers.
La Smart City, une priorité nationale en Chine
La Chine est en train de devenir le leader des smart cities, comme vient encore le démontrer un forum mondial sur l’Energie Renouvelable qui s’est tenu durant la même semaine dans la province de Shanxi.
Les autorités chinoises, depuis 2014, ont conçu un plan national de nouvelle urbanisation plaçant la « smart city » au rang de priorité nationale a été adoptée. En 2015, un plan de construction des villes intelligentes a été entériné dans le cadre du 13ème plan quinquennal (2016-20) approuvé en mars 2016.
La visite de la Salle d’exposition de la planification de PĂ©kin d’ici Ă 2035 a Ă©tĂ© Ă Ă©difiante avec une vĂ©ritable vision futuriste du dĂ©veloppement de PĂ©kin Ă la fois interconnectĂ©.Â
Partout, on assiste Ă une politique volontariste en termes de constructions de villes nouvelles ou de rĂ©habilitations telles que le projet menĂ© Ă Xiong’an, une zone dĂ©vastĂ©e par la pollution qui va cĂ©der la place Ă une ville nouvelle dĂ©jĂ baptisĂ©e la “New Shenzhen”. Toutes les villes chinoises de niveau sous-provincial appliquent ce plan de dĂ©veloppement, 90% des prĂ©fectures et 50% des villes au niveau des comtĂ©s, 20 services publics sont concernĂ©s dont les services en charge des transports, des rĂ©seaux de distribution publics, des services de secours et d’éducation.
Les villes de l’Est sont les plus actives : la province de Shandong a 30 projets en cours (dont Langkou City) devant sa voisine Jiangsu (28 projets) et la province de Hunan au sud du pays (22 projets). Il existe même depuis peu un classement chinois des smart cities et l’an dernier 293 villes ont été notées.
Le marché chinois des smart cities représentait en 2018, 21 milliards de dollars et croit au rythme de 19% par an et le marché mondial des services urbains intelligents s’élèvera à + de 400 milliards de dollars par an d’ici à 2025…sachant que 60% des infrastructures urbaines mondiales restent à construire d’ici à 2030.
La smart city, à la chinoise, présente le plus souvent une intégration de toutes les éco-innovations digitales. Mais pas seulement si l’on en juge par les récentes décisions d’investir aussi dans l’Économie circulaire, domaine où la Chine était à la traine par rapport à l’Europe et qui depuis 6 mois affichent des objectifs de recyclage extrêmement ambitieux.
Parmi les exemples de projets remarquables de smart city en Chine, citons le concept de ville Ă©ponge pour prĂ©venir les inondations dans les environnements fortement urbanisĂ©s ou les immeubles forĂŞt, capable d’absorber du CO2, avec un plan de construction de 258 Ă©co-citĂ©s Ă l’image de la ville forĂŞt qui va ĂŞtre construite par le cĂ©lèbre architecte Stephano Boeri Ă Guangxi dans le sud de la chine. Parlons Ă©galement du projet emblĂ©matique de la Chaoyang-Park-plaza, rĂ©cemment inaugurĂ© Ă Beijing oĂą les architectes se sont inspirĂ©s de la philosophie chinoise et de la culture paysagiste chinoise pour bâtir selon une architecture biomimĂ©tique ayant recours aux biomatĂ©riaux, avec un système de gestion de l’eau, de gestion de la qualitĂ© de l’air très performant.
Des projets moins ambitieux en termes technologiques comme ceux de rĂ©habilitation de quartiers vĂ©tustes et polluĂ©s  pour les transformer en vĂ©ritable Ă©co-quartiers oĂą se cĂ´toient artisanat traditionnel, start –ups, tiers lieux du type de nos Fab Lab, habitats pour les classes modestes et moyennes se multiplient aussi et j’au pu en visiter plusieurs  terminĂ© ou en cours dans le vieux Canton.Â
Scalabilité des smart cities en Chine ? formation, compétences et inclusion sociale
De même que la Chine est en train de devenir un leader en matière de transition énergétique via notamment les énergies renouvelables, elle est aussi en train d’acquérir des avantages compétitifs indéniables en matière de Smart Cities.
Toutefois ses avancées risquent d’achopper sur deux limites que beaucoup commencent à percevoir . La première est l’insuffisance de compétences internes pour continuer à concevoir et déployer  toutes les solutions des smarts cities.
En effet peu de formations spĂ©cialisĂ©es existent Ă ce jour dans les universitĂ©s en termes de transitions Ă©nergĂ©tiques et Ă©cologiques et encore moins d’intĂ©gration de ces compĂ©tences dans les autres formations existantes : exemples : architecte, ingĂ©nieur, urbaniste, etc…C’est pour pallier ce besoin qu’une universitĂ© comme Sustech a crĂ©Ă© le Shenzhen Institute for Sustainable Development avec un think tank international, auquel j’ai dĂ©sormais l’honneur de faire partie, pour contribuer collectivement Ă la construction de zones pilotes ainsi qu’au dĂ©veloppement de formations nĂ©cessaires Ă l’agenda de Shenzhen Institute for Sustainable Development.
Les priorités de l’institut :
- Utilisation efficace des ressources
- La qualité de l’environnement pour une meilleure santé
- Le management de la ville intelligente et durable
- La lutte contre le changement climatique
- Architecture verte
- DĂ©ploiement des Ă©nergies renouvelables
La seconde limite est l’oubli de la dimension sociĂ©tale du dĂ©veloppement durable avec peu de recul sur les questions de participation et de concertation  et encore moins sur la question de l’usage et de la sĂ©curisation des donnĂ©es personnelles ou de l’essor de l’Intelligence Artificielle  nĂ©cessaires au dĂ©ploiement des solutions de plus en plus intelligentes dans la ville du futur…..IndĂ©niablement une diffĂ©rence de perspective entre la Chine et l’Europe….Â