Dans le cadre du colloque « Afrique, Innovations, des pistes pour le XXIème siècle», qui s’est tenu le 25 Avril à l’Assemblée Nationale, sous l’égide d’IFG Executive Education, d’INSEEC U. Innovet de l’INSEEC School of Business & Economics, je suis intervenue pour une mise en perspective, intervention dont je vous livre le contenu ci-dessous.
Un continent start up et une véritable dynamique des innovations
Les jeunes pousses africaines, à l’origine de multiples innovations se multiplient depuis 2015. La croissance des start’ups s’accélère rapidement et leur capacité à imaginer des solutions pour l’avenir du continent ne cesse d’étonner. Selon une étude de la GSMA (une association qui regroupe plus de 800 opérateurs et constructeurs de téléphonie mobile dans le monde), en Afrique, le nombre d’incubateurs, d’accélérateurs, de Fab Lab dépasse celui observé en Asie depuis 2016.
Les villes de Kigali au Rwanda , Nairobi au Kenya, Abidjan en CĂ´te d’Ivoire ou encore Cape Town en Afrique du Sud deviennent de vĂ©ritables hubs technologiques. IBM a rĂ©cemment installĂ© son centre de recherche sur les mĂ©gadonnĂ©es baptisĂ© « African Research Cloud » en Afrique du Sud. Google compte aussi ouvrir un centre de recherche sur l’intelligence artificielle au Ghana.
L’AfricaTech en mouvement
Plus d’un milliard de dollars de financements est attendu en Afrique dans le secteur des nouvelles technologies à l’horizon 2020. De plus en plus de jeunes Africains se saisissent des opportunités qu’offrent ces dernières afin de créer des licornes en devenir. On peut dire que l’AfricaTech est en mouvement. La plate-forme VC4Africa, une communauté en ligne de capital-risqueurs et d’entrepreneurs, a vu le nombre de start’ups à la recherche de fonds progresser de 640 % en quatre ans !
L’activité économique africaine a en effet été bouleversée ces dernières années par l’essor très rapide de la téléphonie mobile et des smartphones. L’accès massif au digital, a permis leur application, non seulement à la finance, les fintechs, mais aussi à l’énergie, à la santé, à l’agriculture ou à l’éducation.
Forbes propose désormais un classement annuel des 30 jeunes entrepreneurs africains les plus prometteurs. Et le magazine Time a publié son premier TOP 50 des entreprises qui inventent le futur. Six startups africaines s’y sont illustrées aux côtés des géants comme Apple, ou Netflix.
Parmi ces pépites du futur, on peut citer : Bitland fondée au Ghana, où l’accès au titre foncier est coûteux et complexe. Cette start’up recourt à la technologie Blockchain pour développer des cadastres fiables garantissant la propriété du bien répertorié. Cette Start up est bien partie pour résoudre durablement un problème qui touche tous les États du Continent. On peut aussi citer Ona qui a vu le jour au Kenya et qui, par un système de cartographie numérique aide les agents de santé des zones rurales à identifier les endroits où les patients ont besoin de leurs services ou encore au Nigéria, Babymigo, le réseau social pour la mère et l’enfant.
Une meilleure répartition continentale des financements
Une grande partie des financements a Ă©tĂ© longtemps concentrĂ©e dans un petit nombre de pays, essentiellement anglophones : l’Afrique du Sud, le Kenya et le Nigeria, Ă©tant les seuls pays africains Ă avoir reçu plus de 50 millions de dollars en financement de dĂ©marrage. Mais la situation Ă©volue rapidement et, je peux le constater dans le cadre de mes activitĂ©s en Afrique, dans le cadre d’INSEEC U., une vĂ©ritable effervescence dans les pays de l’UEMOA (Union Economique et MonĂ©taire Ouest Africaine), notamment en CĂ´te d’Ivoire, au SĂ©nĂ©gal et mĂŞme au Burkina Fasso qui n’est pourtant pas le pays le plus favorisĂ© de la zone.
Une part croissante de innovations liée au développement durable
Je constate aussi que l’innovation, qu’elle soit technologique, de service ou organisationnelle, concerne de plus en plus le volet développement durable et cela, depuis la COP 22, en novembre 2016, qui s’était tenu à Marrakech. Cette dernière avait fait figure de véritable vitrine de toutes les solutions africaines de lutte contre le changement climatique et en particulier en faveur de la transition énergétique.
Le colloque sur l’état de l’Afrique qui s’est dĂ©roulĂ© le 21 Avril 2018, sous l’égide de la Banque mondiale et du Fonds monĂ©taire International, a d’ailleurs portĂ© sur le potentiel des innovations pour accĂ©lĂ©rer une croissance verte en Afrique. Si le numĂ©rique est un gros consommateur de ressources Ă©nergĂ©tiques et de mĂ©taux rares, il participe aussi Ă l’Ă©dification de solutions concrètes pour faciliter la rĂ©alisation d’une transition Ă©nergĂ©tique, un enjeu crucial pour respecter les engagements pris Ă la COP21 de Paris. Pour accompagner ce dĂ©fi, l’AFD, BpiFrance et la French Tech organisent chaque annĂ©e depuis 2016 le concours Digital Africa conçu pour identifier et promouvoir de nombreuses solutions vertes portĂ©es par des start-ups « greentech » ou « cleantech ».
Créer un environnement propice aux innovations et à l’entrepreneuriat
Pour aller plus loin encore, les acteurs africains doivent mener de front trois transformations indispensables pour assoir un environnement propice aux innovations et à l’entrepreneuriat.
La première est qu’ils assurent l’accès de la majoritĂ© de la population aux services numĂ©riques. Pour cela la mobilisation doit ĂŞtre gĂ©nĂ©rale : les États doivent investir dans le dĂ©ploiement d’infrastructures numĂ©rique et de e-gouvernement, s’engager Ă garantir la stabilitĂ© et la sĂ©curitĂ© sur leur territoire, et lutter contre la corruption. Le secteur des tĂ©lĂ©communications doit ĂŞtre rĂ©glementĂ© et sĂ©curisĂ©, le secteur privĂ© doit investir aux cotĂ©s de l’État. Cela Ă©tant, beaucoup de dispositions ont Ă©tĂ© prises de la part des gouvernements africains pour permettre l’essor du digital, source de l’Africatech. De vĂ©ritables plans gouvernementaux (SĂ©nĂ©gal numĂ©rique 2020, Tunisie 2020, Cameroun numĂ©rique 2020, etc.) visent Ă dĂ©ployer de vraies infrastructures, c’est-Ă -dire un rĂ©seau Internet performant et mĂŞme la fibre optique pour certains. Les investissements rĂ©alisĂ©s ont permis l’informatisation d’écoles, d’universitĂ©s et de centres de formation afin que les jeunes gĂ©nĂ©rations soient confrontĂ©es le plus tĂ´t possible aux nouvelles technologies.
La seconde transformation consiste à offrir un meilleur accès aux financements et à l’accompagnement des innovateurs. Les besoins de financements restent importants et l’écosystème d’investissement est encore balbutiant. Il faut pourtant que les innovations qui font la différence trouvent un accompagnement au sein d’incubateurs. C’est ce que nous faisons avec l’écosystème d’innovations d’Innov-INSEEC U. qui travaille depuis quelques mois sur un projet d’incubateurs partenarial à Abidjan, où l’IFG Executive Education, que je dirige au sein d’INSEEC U, est présent.
Plusieurs start-ups, proposĂ©s par nos alumni, ont dĂ©jĂ retenu notre attention car relevant des Tech for Good ( c’est Ă dire des solutions digitales ayant un impact positif sur l’environnement ou la sociĂ©tĂ©) : l’une sur la fabrication d’imprimantes 3D Ă partir de matĂ©riel de rĂ©cupĂ©ration, une autre concernant un kit pĂ©dagogique avec batteries solaires intĂ©grĂ©es, une autre encore sur la fabrication de biogaz Ă partir de dĂ©chets.
Former, accompagner et valoriser les créateurs
La troisième transformation, qui est finalement celle qui conditionne les deux premières est de former, accompagner et valoriser les crĂ©ateurs d’aujourd’hui et de demain.« Il faut absolument que l’Afrique possède le capital humain adĂ©quat pour Ă©viter de dĂ©pendre toujours des experts internationaux », a martelĂ© Makhtar Diop,vice-prĂ©sident de la Banque mondiale pour les Infrastructures, il y a quelques mois. En d’autres termes, il s’agit de favoriser l’émergence d’une nouvelle Ă©lite entrepreneuriale et managĂ©riale en Afrique. C’est ce Ă quoi l’IFG Executive Educations’attelle en proposant des formations très prisĂ©es en Afrique.
Ă€ ce titre, il est important de souligner que la nouvelle Ă©lite africaine entrepreneuriale, plutĂ´t issue des classes moyennes en progression, entraine une mutation.
Elle se tourne de plus en plus vers le monde de l’entreprise et notamment vers la création d’entreprises, alors que dans le passé elle visait plutôt des carrières politique. Les acteurs privés sont considérés par la génération Y comme les plus influents et les gouvernements sont perçus comme des facilitateurs mais plus vraiment comme les principaux détenteurs du pouvoir.
Les nouveaux dirigeants d’entreprises ont la volonté de travailler entre plusieurs pays du continent africain avec une très forte envie d’entreprendre et d’innover.
Les jeunes entrepreneurs africains ne cessent de faire bouger les choses. Ils prennent des risques et montent des entreprises qui s’attellent à résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés et créent des emplois dans le tissu local.
Ils plébiscitent nos learning expeditions, notamment à San Francisco, au cœur de la Silicon Valley, ou à Londres afin de comprendre les écosystèmes les plus performants de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de leur financement afin de les adapter à leur contexte africain.
Un continent en révolution digitale et managériale
L’Afrique est donc un continent en pleine révolution digitale totalement maitrisée par la nouvelle génération qui arrive aux affaires. Cela a nécessairement un impact sur les modes de management qui lui aussi connait un profond bouleversement.Les nouveaux dirigeants d’entreprises et donc les managers ne sont plus des personnalités isolées mais travaillent de plus en plus en réseau de manière collective pour assurer la qualité du développement de leur pays et au-delà du continent.
Les nouveaux dirigeants d’entreprises et donc les managers ne sont plus des personnalités isolées mais travaillent de plus en plus en réseau de manière collective pour assurer la qualité du développement de leur pays et au-delà du continent.
Cette nouvelle gĂ©nĂ©ration crĂ©e des espaces d’expression et d’échange permettant de connecter et de les rassembler pour donner plus de visibilitĂ© Ă leurs actions et dĂ©multiplier les impacts de leurs activitĂ©s. On parle de communautĂ©s de leaders et je peux attester de leur efficacitĂ© si j’en juge par la richesse du rĂ©seau de nos alumni IFG EE & INSEEC U., organisĂ©s en association extrĂŞmement dynamique (IFG – INSEEC Alumni Afrique, IIAA).
Ce sont aussi des profils plus complets, plus multiculturels, capables de s’adapter à des marchés hétérogènes, prometteurs et encore peu structurés… Agilité, résilience, ingéniosité nécessitent un mode d’apprentissage permanent et une grande ouverture sur le monde, d’où leur demande d’acquisition régulière de nouvelles compétences. En Afrique la formation tout au long de la vie n’est pas un simple slogan ! Les entrepreneurs n’hésitent pas à financer par eux-mêmes ce type de formation en empruntant auprès des banques – un comportement très différent de celui de leurs homologues français.
Ă€ ce propos, je souhaiterais rappeler que les gouvernements de l’Afrique Subsaharienne financent davantage leur système Ă©ducatif en pourcentage de PIB que l’Europe : 16,9% contre 11,8% en Europe… Et les mĂ©nages africains contribuent en moyenne près de 5 fois plus que les mĂ©nages français Ă la formation de la famille. En France, les dĂ©penses sont de 7,8% et …en Afrique 46% !
Inciter Ă l’innovation, valoriser le capital humain
Le secteur privé est d’ailleurs conscient qu’il faut valoriser son capital humain et l’inciter à l’innovation. C’est pourquoi de plus en plus d’entreprises africaines mettent en place des partenariats avec des organismes de formation pour faire monter en compétence régulière leurs employés et en particulier les hauts potentiels en finançant tout ou partie de leur formation en entrepreneuriat, innovation, transformation digitaleetc… Les banque locales accordent aussi des crédits très avantageux pour ces formations.
Ces jeunes entrepreneurs/managers sont avides de solutions digitales (e-learning), y compris les travaux de groupe Ă distance car ils ne veulent plus perdre de temps Ă l’extĂ©rieur de leurs pays oĂą ils sont très investis et conscients des opportunitĂ©s. Ils ne sont plus attirĂ©s par l’expatriation, ce qui Ă©tait pourtant la “suite logique” des Ă©tudes pour leurs ainĂ©s. Seulement 10% de ces jeunes dirigeants souhaitaient en 2018 poursuivre leur carrière hors d’Afrique.
Ils ont donc besoin de continuer leur activité entrepreneuriale en apprenant. C’est pourquoi ils apprécient notre pédagogie alliant présentiel et distanciel par le biais d’écosystèmes digitaux avec des applications et études de cas locaux.
Des innovations et projets Ă fort impact environnemental
Enfin cette génération privilégie les projets à forts impacts économiques, sociaux et environnementaux (DD), pour leur pays ou leur continent avec une volonté de miser sur les talents régionaux, comme en témoignent les nombreuses starts-ups dans les domaines de la Transition énergétique, de l’économie circulaire, de la santé, de l’agriculture raisonnée ou plus globalement de développement inclusif et durable.
Une enquête réalisée par le cabinet MAZARS il y a deux ans indiquait que la génération Y en Afrique considère comme prioritaire : l’évolution professionnelle (94%), l’acquisition de nouvelles compétences (84%) et la contribution à des missions stimulantes pour le développement durable de leur pays ou de leur continent (82%).
Mais cette nouvelle génération d’entrepreneurs / créateurs / managers qui innove pour l’Afrique de demain n’a-t-elle pas finalement les mêmes aspirations que celle de nos pays occidentaux ? Pour y répondre il faut proposer un nouveau modèle d’enseignement propice à l’innovation et à la création d’entreprises. C’est ce que nous avons fait au sein d’INSEEC U., notamment en matière d’enseignement supérieur…Mais cela c’est une autre histoire !